Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/62

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le principe judicieux de n’accorder aucune remise d’arrérages. C’est qu’il avait compris que ces concessions ne profitent qu’aux riches. L’expérience démontre, en effet, que dans le recouvrement de toute charge locale ce sont les pauvres qu’on ménage le moins, et qui s’exécutent les premiers.

Mais tandis que l’administration de Julien préparait un modèle aux meilleurs princes à venir, la rage des barbares se déchaîna plus que jamais. Les animaux ravissants, à qui un négligent gardien a laissé une fois prendre l’habitude de décimer son troupeau, ne cessent d’y chercher curée, au risque d’affronter une surveillance plus active, et, perdant par l’excès de la faim tout sentiment du danger, se jettent indistinctement sur les bœufs et sur les brebis ; de même les barbares, de nouveau pressés par le besoin, après avoir dévoré tout le produit de leurs précédentes rapines, venaient encore tenter les chances de pillage, et quelquefois périssaient sans qu’aucune proie se fût trouvée sur leur chemin.

VI. Tels étaient déjà pour la Gaule les résultats d’une année ouverte sous des auspices si douteux. A la cour de l’empereur, des clameurs furieuses s’élevaient en ce moment contre Arbétion. On l’accusait d’avoir fait pour son usage une commande d’ornements impériaux, comme s’il devait prochainement s’élever au rang suprême. Le comte Vérissime se répandait contre lui en propos sanglants : « Un parvenu, monté de simple soldat au premier grade de l’armée, ne se trouvait pas à son rang, et prétendait à celui de prince ». Mais Arbétion avait encore un ennemi plus acharné dans la personne de Dorus, ex-médecin des scutaires, qui, étant centurion des choses d’art sous Magnence, avait également, comme nous l’avons dit plus haut, accusé Adelphe, préfet de Rome, de viser à une position plus élevée. L’instruction allait donc s’ouvrir, et le succès paraissait assuré à l’accusation, quand une coalition des chambellans, s’il faut en croire l’opinion accréditée, prit fait et cause pour le prévenu. Aussitôt, et ce fut comme un coup de théâtre, les complices supposés voient tomber leurs chaînes, Dorus s’évanouit, Vérissime devient muet ; et tout finit comme lorsque le rideau se ferme sur la scène.

VII. Constance, instruit dans le même temps, par le bruit public, de l’isolement où César avait été laissé dans les murs de Sens, ôta le commandement à Marcel, et le renvoya dans ses foyers. Celui-ci regarda cette destitution comme une injustice, et se mit à intriguer contre Julien, spéculant sur la tendance naturelle de l’empereur à accueillir toute accusation. Julien se défiait de ses calomnies ; et Marcel n’eut pas plutôt quitté l’armée, qu’Euthère, chambellan de César, fut dépêché sur ses pas à la cour, pour se tenir prêt à en combattre l’effet. Marcel, qui ne s’attendait à rien moins qu’à se trouver en face d’un contradicteur, arrive à Milan, faisant grand bruit et grand étalage de menaces. C’était un déclamateur outré et d’une emphase extravagante. Admis devant le conseil, il accuse ouvertement l’insolente présomption de Julien, qui se fabriquait, disait-il, des ailes pour prendre son vol plus haut ; propos qu’il accompagna d’une pantomime appropriée aux paroles. Au moment même où son imagination se donnait ainsi carrière, Euthère demande audience, est introduit, et, obtenant à son tour la parole, fait ressortir toutes les atteintes portées par Marcel à la vérité. Il expose, du ton le