Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/671

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du soldat levé dans la campagne, ou de celui que l’on prend dans les villes ? Je ne crois pas qu’on ait jamais pu douter que les gens de la campagne ne soient plus propres à porter les armes. Ils sont déjà faits aux injures de l’air, et nourris dans le travail ; ils savent supporter les ardeurs du soleil, ne recherchent point l’ombre, ne connaissent ni l’usage des bains ni les délices la ville. Dans la simplicité de leurs mœurs, ils se contentent de peu ; endurcis aux travaux plus pénibles, ils sont dans l’habitude de manier le fer, de creuser des fossés, et de porter des fardeaux. Cependant la nécessité oblige quelquefois de prendre des soldats dans les villes : alors, dès qu’ils sont enrôlés, il faut les accouter à travailler aux camps, à marcher en troupe, à se contenter d’une nourriture frugale grossière, à porter des fardeaux, à ne point craindre le soleil ni la poussière, à passer les nuits tantôt sous les tentes, tantôt à découvert. Après cette première préparation, on leur montrera le maniement des armes ; et si l’on prévoit qu’on puisse en avoir besoin pour une longue expédition, il faudra les tenir le plus longtemps qu’on pourra dans les camps, où, éloignés de la corruption des villes, ils puissent se former, par ce genre de vie, le corps et l’esprit tout ensemble. Je sais bien que dans les premiers temps de la république c’est toujours dans Rome que se levèrent les armées ; mais alors on n’y était point énervé par le luxe et les plaisirs. La jeunesse, après la fatigue de la course et d’autres exercices, allait nager dans le Tibre et y laver sa sueur. Le guerrier et le laboureur étaient alors le même qui ne faisait que changer d’outils. C’est un fait connu, qu’on alla chercher Quintius Cincinnatus à la charrue pour lui offrir la dictature. Les armées doivent donc être principalement recrutées des gens de la campagne ; car ceux-là, je ne sais pourquoi, qui ont moins goûté les douceurs de la vie, sont ceux qui craignent le moins la mort.

chapitre iv
De l’âge des nouveaux soldats.

Recherchons maintenant à quel âge il convient de former des soldats. Si l’on veut suivre l’ancienne coutume, il est certain qu’on peut comprendre dans les levées ceux qui entrent en âge de puberté : ce qu’on apprend alors s’imprime plus promptement et plus fortement dans l’esprit ; d’ailleurs, pour donner au corps la légèreté que demandent les exercices du saut et de la course, il ne faut pas attendre que les années l’aient appesanti ; c’est cette légèreté entretenue par l’usage qui fait le bon soldat. Il faut prendre les soldats parmi les adolescents ; car, comme dit Salluste, autrefois, dès que la jeunesse était en âge de porter les armes, on l’exerçait dans les camps. Ne vaut-il pas mieux qu’un soldat tout dressé se plaigne de n’avoir pas encore l’âge de se battre, que de le voir se désoler de l’avoir passé ? Ne faut-il pas aussi un certain temps pour tout apprendre ? Car la science de la guerre est d’une grande étendue, soit qu’il faille former des archers ou en faire de bons tireurs à pied ou à cheval, soit qu’on veuille montrer aux légionnaires toutes les parties de l’escrime, à ne point abandonner leurs places, à ne point confondre les rangs, à lancer des armes de jet d’une main ferme et assurée, à creuser le fossé, à planter avec art les palissades, à bien manier le bouclier, à le présenter obliquement aux traits de l’ennemi, à parer adroitement les coups de fer et à les porter har-