Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/678

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chapitre xix.
Qu’il faut accoutumer les nouveaux soldats à porter des fardeaux.

Dans la nécessité où sont les soldats de porter leurs armes, et même des vivres pour les expéditions lointaines, il faut les accoutumer à marcher souvent au pas militaire, chargés d’un fardeau qu’on peut pousser jusqu’à soixante livres. Il ne faut pas s’imaginer que cela soit difficile, pourvu qu’on le fasse souvent. Virgile nous apprend que c’était un usage des anciens. Voilà, dit-il, comment, du temps de nos pères, le soldat marchait avec ardeur, sous un fardeau excessif, et se trouvait campé, et même en ordre de bataille, avant que l’ennemi le crût arrivé.

chapitre xx.
De quelles armes se servaient les anciens.

L’ordre demande que nous parlions maintenant des armes offensives et défensives du soldat, sur quoi nous avons tout à fait perdu les anciennes coutumes ; et quoique l’exemple des cavaliers goths, alains et huns, qui se sont si heureusement couverts d’armes défensives, nous en ait dû faire comprendre l’utilité, il est certain que nous laissons notre infanterie découverte. Depuis la fondation de Rome jusqu’à l’empire de Gratien, elle avait toujours porté le casque et la cuirasse ; mais lorsque la paresse et la négligence eurent rendu les exercices moins fréquents, ces armes, que nos soldats ne portaient plus que rarement, leur parurent trop pesantes : ils demandèrent à l’empereur d’abord à être déchargés de la cuirasse, ensuite du casque. En s’exposant ainsi contre les Goths la poitrine et la tête nues, nos soldats furent souvent détruits par la multitude de leurs archers ; mais, malgré tant de défaites et la ruine de si grandes villes, aucun de nos généraux n’imagina de rendre à l’infanterie ses armes défensives. Il arrive de là qu’un soldat, exposé pour ainsi dire à nu aux armes de l’ennemi, pense bien plus à fuir qu’à combattre. Que veut-on que fasse un archer à pied, sans casque, sans cuirasse, qui ne peut tenir en même temps un bouclier et un arc ? Quelle défense auront nos dragonaires et nos enseignes, obligés de tenir la pique de la main gauche, s’ils n’ont ni la tête ni la poitrine couverte ? Mais, dit-on, la cuirasse, et souvent même le casque, accablent le fantassin : oui, parce qu’il n’y est point fait, et qu’il les porte rarement ; au lieu que le fréquent usage de ces armes les lui rendrait plus légères, quelque pesantes qu’elles lui eussent semblé d’abord. Mais enfin ceux qui trouvent le poids des armes anciennes si incommode, il faut bien qu’ils reçoivent sur leurs corps nus des blessures, et qu’ils meurent ; ou, ce qui est pire encore, qu’ils risquent ou d’être faits prisonniers, ou de trahir leur patrie par la fuite. Ainsi, en évitant de se fatiguer, ils se font égorger, comme des troupeaux, honteusement. Pourquoi donnait-on autrefois le nom de mur à notre infanterie, sinon parce qu’outre le pilum et le bouclier, elle lançait des feux par ses casques et ses cuirasses ? On poussait même alors si loin la précaution des armes défensives, que l’archer portait un brassard au bras gauche, et le fantassin, destiné à combattre de pied ferme, une grande bottine de fer sur la jambe droite. C’est ainsi qu’étaient