Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/700

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couvert ; par rapport aux saisons, de ne pas les faire camper en été sans tentes, de ne pas les faire partir trop tard le matin, de peur que le poids de la chaleur, joint à la fatigue du chemin, ne leur causent des maladies ; mais plutôt les mettre en marche à la pointe du jour, afin d’arriver de bonne heure à l’endroit marqué : c’est de ne pas les faire marcher de nuit en hiver, par les neiges et par les glaces, ni les laisser manquer de bois ni d’habits. Des soldats transis de froid ne sont ni bien portants, ni propres à aucune expédition. Qu’on ne leur laisse point boire d’eau corrompue ou bourbeuse, espèce de poison capable d’engendrer des maladies contagieuses. Si quelques-uns en sont attaqués, il faut avoir recours aux aliments propres à les rétablir, et à l’art des médecins ; c’est à quoi les officiers des légions, les tribuns, et le comte lui-même, doivent avoir une attention particulière ; car, dans une affaire, on tire de mauvais services de soldats qui, outre la guerre, ont encore à supporter la maladie. Les maîtres de l’art ont toujours cru l’exercice journalier des armes plus propre que les remèdes à entretenir la santé dans les armées ; c’est sur ce principe qu’ils l’ordonnaient à l’infanterie, soit en plein air dans les beaux jours, soit à couvert dans les temps de pluie ou de neige. Ils exerçaient aussi la cavalerie non seulement en plaine, mais sur des terrains escarpés ou pleins de crevasses ; dans des sentiers étroits et embarrassés, afin que dans le combat aucune de ces difficultés ne lui fût inconnue. On comprend par là de quelle importance il est de bien instruire une armée, puisque c’est l’habitude même de cette instruction laborieuse qui dans les camps leur assure la santé, et dans les combats la victoire. Enfin, il faut observer que si on laisse trop longtemps une grande armée dans les mêmes lieux, pendant l’été ou pendant l’automne, la malpropreté, la corruption des eaux, l’infection de l’air, y répandent des maladies capables de la détruire, et qu’on ne les peut éviter qu’en changeant souvent de camp.

chapitre iii.
Du soin qu’on doit mettre à se pourvoir de grains et de fourrages, et à les garder.

L’ordre demande que nous parlions des vivres et des fourrages, dont la disette détruit plus souvent une armée que la guerre même ; car la faim est plus terrible que le fer : d’ailleurs, on peut remédier sur-le-champ aux autres accidents qui peuvent arriver ; mais il n’y a d’autres moyens pour éviter la disette que de la prévenir. C’est un grand point à la guerre, et le plus grand, que de faire en sorte que les vivres ne nous manquent pas, et manquent à l’ennemi : on doit donc, avant d’entrer en campagne, dresser un état des troupes, et de la dépense nécessaire à leur entretien ; ensuite tirer de bonne heure des différentes provinces les différentes subsistances qu’elles doivent fournir, et les rassembler en magasins dans des lieux situés commodément pour la guerre qu’on doit faire, et bien fortifiés, et dans une quantité plus que suffisante. Si les contributions ordonnées ne suffisent pas, il y faut pourvoir avec de l’argent ; car qui peut nous assurer de la possession de nos richesses, si nous ne savons les défen-