Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/699

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péditions militaires. Les maîtres de l’art veulent que ce nombre soit limité. En réfléchissant sur les défaites de Xerxès, de Darius, de Mithridate, et d’autres rois, qui avaient armé des peuples entiers, on voit évidemment que ces prodigieuses armées ont moins succombé sous la valeur de leurs ennemis que sous leur propre multitude. En effet, une armée trop nombreuse est exposée à bien des inconvénients ; sa marche en est ralentie, et ses colonnes étant trop longues, les ennemis peuvent la harceler et l’incommoder, même avec fort peu de monde. Lorsqu’il faut aller par des chemins difficiles ou passer des rivières, les bagages, par leur lenteur, l’exposent à de fréquentes surprises. On ne trouve jamais qu’avec une peine infinie du fourrage pour une si grande quantité de chevaux et d’autres bêtes de charge : la disette, qu’il est si important d’éviter dans toute expédition, ruine bientôt une grande armée ; et, quelques soins que l’on prenne pour faire provision de vivres, ils manquent d’autant plus vite qu’on les distribue à plus de bouches. Quelquefois même une trop grande multitude trouve à peine assez d’eau ; enfin, si par malheur votre armée vient à être mise en fuite, il faut nécessairement qu’on tue bien du monde ; et ce que vous sauverez de troupes en remportera une impression de frayeur qui épouvantera pour une seconde action. C’est pourquoi nos anciens, instruits par l’expérience, voulaient des armées plus disciplinées que nombreuses. Une légion composée de dix mille fantassins et de deux mille chevaux, compris les auxiliaires, suffisait pour les guerres peu importantes ; et on en donnait souvent le commandent à un préteur, comme à un général du second ordre. Si l’ennemi passait pour puissant, on faisait marcher vingt mille hommes d’infanterie et quatre mille chevaux, commandés par un personnage ayant la puissance consulaire, dont la dignité est représentée aujourd’hui par les comtes du premier ordre. S’il était question de ramener sous le joug quelque coalition de nations valeureuses en révolte, sous l’empire de cette nécessité on mettait en campagne deux armées, et à leur tête deux généraux, avec cette formule : « Que chacun des chefs en particulier, ou tous deux ensemble, prennent garde que la république ne reçoive aucun dommage ! » Enfin, quoique les Romains eussent dans la suite à combattre presque tous les ans en différents pays contre différentes nations, ils n’envoyaient que de petites armées, qu’ils préféraient, comme nous avons dit, à de plus grandes moins disciplinées ; mais, quelles qu’elles soient, ils observaient exactement que le nombre des auxiliaires ou des alliés n’excédât pas celui des nationaux.

chapitre ii.
Des moyens de conserver la santé dans les armées.

Voici un point auquel il est de la p1us grande importance de pourvoir. En vain on aura de bonnes armées, si on ne sait pas y maintenir la santé ; les moyens qu’on peut proposer comprennent les lieux, les eaux, les saisons, les remèdes et les exercices. Quant aux lieux, la précaution qu’on doit prendre, c’est de ne tenir les troupes ni dans un pays malsain, comme dans le voisinage de marais pestilentiels, ni sur des montagnes ou des collines sèches, sans arbres et sans