Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/703

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

appelés de la voix qui les prononce, consistent dans de certains mots de garde ou de ralliement ; comme la victoire, la palme, la valeur, Dieu est avec nous, le triomphe de l’empereur, et autres semblables qu’il plaît au chef de l’armée de donner. On saura, en passant, qu’il importe de les varier tous les jours, de crainte que les ennemis ne se glissent impunément dans le camp à la faveur du mot, s’il était trop souvent le même. Les signaux demi-vocaux s’indiquent par la trompette, le cor ou le cornet : on apelle trompette l’instrument dont le canal est en droite ligne ; le cor est composé d’un canal d’airain, qui se replie sur lui-même en forme de cercle ; le cornet est fait d’une corne de bœuf sauvage, entortillé d’argent, et produisant des sons que sait varier celui qui en donne. C’est par des inflexions certaines de ces divers instruments que l’armée sait tout d’un coup si elle doit marcher ou faire halte, revenir sur ses pas, poursuivre l’ennemi, ou faire retraite. Les signaux muets sont les aigles, les dragons, les drapeaux ou les étendards, les banderoles, les touffes de plumes, les aigrettes, etc. De quelque côté que le général fasse porter les enseignes, le soldat est obligé de les suivre. Il y a d’autres signaux muets, attachés aux chevaux, aux habits, et même aux armes, afin que les soldats de la même armée se reconnaissent les uns et les autres et ne prennent pas l’ennemi pour l’ami. On distingue encore certains ordres du général à un geste de la main ; au fouet, qu’il porte quelquefois, comme les barbares ; à une certaine manière toucher ses habits. On doit exercer le soldat à connaître ces différents signaux et à y obéir, soit en garnison, soit en marche, soit dans le camp : c’est à quoi il ne parviendra jamais dans la confusion inséparable des combats à la guerre, s’il n’y est exercé par un usage continuel en temps de paix. Il y a encore des signaux muets, communs à toutes les nations : par exemple, la poussière qui s’élève toujours en forme de nuage peut vous indiquer l’approche de l’ennemi : par le feu pendant la nuit, et par la fumée pendant le jour, deux armées s’informent réciproquement de bien des choses qu’elles ne pourraient se faire savoir autrement. On place quelquefois, au haut des tours d’une ville ou d’un château, des espèces de solives ; et en les élevant ou en les baissant, suivant qu’on en est convenu avec des troupes amies, on les informe de ce qui se passe dans l’endroit où l’on est.

chapitre vi.
Des précautions qu’on doit prendre en marchant dans le voisinage de l’ennemi.

Les maîtres de l’art militaire prétendent qu’il y a souvent plus de risque à courir dans les marches que dans les combats. Lorsqu’on est en présence, disent-ils, tous les soldats sont bien armés, et voient à qui ils ont affaire ; ils s’attendent et se préparent à l’action ; au lieu que dans une marche, ils n’ont pas toutes leurs armes ; ils les portent négligemment ; ils sont plus sujets à se troubler, en cas d’embuscades ou d’attaques imprévues. C’est pourquoi un général doit prendre toutes les précautions possibles pour n’être pas insulté dans sa marche, ou pour repousser l’insulte promptement et sans perte. D’abord, il doit avoir un plan détaillé du pays où il fait la guerre, afin de connaître non seulement les dis-