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Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/723

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chapitre xxiv.
Comment on résiste aux chariots armés de faux, et aux éléphants.

Antiochus et Mithridate se servirent, dans leurs guerres contre les Romains, de chariots armés de faux, qui firent d’abord beaucoup de peur, et dont on se moqua ensuite. Une pareille machine trouve difficilement un terrain toujours uni ; peu de chose l’arrête, et un seul de ses chevaux tué ou blessé la fait prendre. Mais les Romains s’en défaisaient particulièrement par l’expédient que voici : Au moment où l’affaire s’engageait, ils semaient promptement par tout le champ de bataille des chausse-trapes, sur lesquelles les chevaux de ces chariots de guerre, venant à se jeter à toute bride, ne pouvaient manquer de se perdre. La chausse-trape est une machine défensive, composée de quatre pointes ; elle en présente toujours une debout, portant sur les trois autres, de quelque façon qu’elle tombe. Les éléphants, par l’énormité de leur masse, par leurs cris effrayants, et par la nouveauté du spectacle, épouvantent d’abord les hommes et les chevaux. Pyrrhus en mit le premier en bataille contre les Romains, dans la Lucanie ; après lui, Annibal en Afrique. Le roi Antiochus en Orient, et Jugurtha en Numidie, en avaient un grand nombre. On imagina différents moyens de s’en défendre. Un centurion, dans la Lucanie, coupa avec son épée la trompe à un de ces animaux. Ailleurs, on attela deux chevaux bardés à un chariot, de dessus lequel des soldats armés de toutes pièces portaient aux éléphants de grands coups de sarisses ; avec leurs armes défensives, ils n’avaient rien à craindre des archers que les éléphants portaient, et ils évitaient la fureur de ces animaux par la vitesse de leurs chevaux. D’autres fois, on leur opposait des fantassins cataphractaires, qui, outre l’armure complète, avaient encore le casque, les épaules et les bras hérissés de grandes pointes de fer, pour empêcher les éléphants de les saisir avec leur trompe. Cependant les anciens les combattirent principalement avec des vélites : c’étaient des jeunes gens armés à la légère, extrêmement agiles, et fort adroits à lancer de cheval les armes de jet. Ils voltigeaient autour des éléphants, et les tuaient avec des épieux ou de grands javelots : mais dans la suite les soldats s’enhardissant s’attroupaient pour les attaquer à coups de traits, sans autre façon, et les abattaient sous la grêle des armes de jet qu’ils leur lançaient. On y joignit des frondeurs, qui avec la fronde ou le fustibale assommaient à coups de pierre les conducteurs des éléphants, et les soldats qui étaient dans les tours ; et c’est le meilleur expédient qu’on ait trouvé. Outre cela, à l’approche de ces bêtes, les soldats ouvraient leurs rangs pour les laisser passer ; et lorsqu’elles avaient pénétré assez avant dans le corps de bataille, on les entourait, et on les prenait, sans les blesser, avec leurs conducteurs. Il est bon aussi de placer derrière la ligne des balistes traînées sur leurs affûts par deux chevaux ou mulets, pour percer les éléphants, quand ils s’avanceront à la portée du trait. Ces balistes doivent être un peu plus grandes qu’à l’ordinaire, pour pousser les traits plus loin et avec plus de force. Le fer des traits doit aussi être plus fort et plus large, pour faire de grandes blessures