Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/749

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

possible de croire qu’ils eussent voulu compter ces jeunes gens, pour mieux dire ces enfants, an nombre de leurs combattants. — Si Végèce eût spécifié la pleine puberté pour être admis à la milice, il n’aurait laissé aucun doute sur l’âge prescrit ; mais il dit : « lorsqu’ils entrent en puberté. » Or, cet âge est encore trop tendre pour espérer de tirer du nouvel enrôlé les services qu’on doit exiger d’un soldat. — L’instruction, chez les Romains, était beaucoup plus longue qu’elle ne doit l’être aujourd’hui pour nos troupes, parce que les armes étaient plus variées ; qu’il y en avait « le différentes espèces, qui tontes demandaient une instruction particulière. La légion était composée de quatre ordres de soldats armés différemment (les vélites, les hastats, les princes, les triaires). Il y avait aussi dans les armées romaines des archers et des frondeurs ; mais ces espèces de troupes faisaient nombre dans la légion des alliés, ou bien ils étaient ce qu’on appelait les extraordinaires. Lorsqu’un hastat passait dans l’ordre des princes, il n’avait point d’instruction particulière à recevoir, parce que les armes étaient les mêmes ; mais lorsqu’ou soldat prince était jugé digne d’être mis dans l’ordre des triaires, il fallait l’instruire à se servir du pilum. — Quoique la légion romaine ait essuyé plusieurs changements, ils n’ont jamais été que relativement à sa force, et jamais aux divisions et aux subdivisions, qui, quoique plus ou moins fortes, n’ont point augmenté en nombre. À la création de la légion, il n’y avait que trois ordres de soldats, les hastats, les princes, et les triaires. Dans la suite on créa les vélites, qui firent un quatrième ordre ; mais jamais la disposition pour le combat n’avarié.

Ctÿttt œtatis tirones probandi sunt. « Presque tous les auteurs ( Tite-Live, Servius, Isidore) qui ont traité de la discipline militaire conviennent qu’on n’y enrôlait personne avant seize ans, ni après quarante-six ; et comme les jeunes gens portaient la robe appelée prætexta jusqu’à dix-sept ans, il y a grande apparence qn’on ne les enrôlait communément qu’à cet âge, qui s’appelait, selon Macrobe, œtas tirocinii ; il était réglé par les ordonnances. — Cependant on lit dans Tite-Live que, sous le consulat de Claudins Pulcher et de Q. Fulvius Flacctis, la république, se trouvant1 dans un besoin extrême de soldats, les enrôla avant l’âge réglé par les lois.—Par l’inscription gravée sur le tombeau de l’empereur Adrien, on voit qu’il avait vécu vingt-cinq ans, et qu’il avait fait dix campagnes ; ce qui prouve qu’il les avait commencées à quinze ans, c’est-à-dire dès l’âge de puberté dont parle Végèce, et qui commençait, comme on sait, de quatorze à quinze. — Il est arrivé aussi quelquefois qu’on a assujetti aux enrôlements des gens qui avaient plus de quarante-six ans, et même pins de cinquante. — Voyez les notes de Stcwechius et de Juste-Lipse sur ta milice romaine. »

Incipientem puberlatem ad delectum cogendam. Des manuscrits portent incipiente pubertate, ad diteetumeogendum t’tronem. Mais notre leçon, plus élégante, est défendue par Scliwebelius, qui cite de notre auteur plusieurs autres exemples de l’emploi de l’abstrait pour le concret, particufièrement celui-ci : Jgnoraniia non so lum ob hoste, sed etiam ab ipsis aquis discrimen in• currU(lt io).

hnbilmnlur. On trouve dans la plupart des manuscrits imbuunlur, expression employée par Végèce dans ce même chapitre et ailleurs (I, 13 ; III, 4 et 10) ; et Scriverius propose de lire : PerfecUus imbuuntur atque docenlur puni ; correction qu’Oudendorp corrigeait ainsi : imbuuntur, quæ discunt pueri. Mais notre leçon est maintenue par Schwebelius et par Oudendorp lui-même, auteur d’une autre correction que voici : induuntur, quæ discuntur a pueris.

Jam primumjuventus, simul belli patiens erat. per laborem usu müiliam discebat. Les manuscrits diffèrent 739

essentiellement dans ce passage emprunté à Salluste (Bell. Calil.9 7), et les éditions ont reproduit « es différences. La leçon de noire texte ne vaut peul-être nas celle-ci : Jam primumjuventus, simul ac belli patiens erat, in castrisper laborem usu mUitiam discebant. Armalurœ numnos. Le mol armalura signifie ici exercice militaire, que les instructeurs (campidoctores) enseignaient tous les jours aux soldats. Végèce l’a encore employé dans ce sens dans les chapitres 7, 17 et 23 du livre II. Il signifie, comme on sait, le plus souvent, des troupes légèrement ou pesamment armées, suivant qu’on y ajoute levis ou gravis.

Missile. « On remarque, cn lisant attentivement Végèce. qu fi emploie dans le cours de son ouvrage missile, comme terme générique pour toutes les armes de jet ; il en détermine ici la signification au javelot court et roide, ap. pelé pilum, dont se servait l’infanterie légionnaire des Romains, et qu’il décrit au chap. 20 de ce livre. » CHAPITRE V.

On remarque que, dans les temps les plus reculés toutes les puissances ont toujours préféré d’enrôler des hommes de haute taille à ceux d’une moiudre stature. Les Romains sur ce point ont pensé comme leurs prédécesseurs ; leurs successeurs ont pensé comme eux, et tontes tes puissances pensent comme les Grecs et les Romains Il est vrai qu’une troupe composée d’hommeg de haute taille a nn aspect majestueux ; elle parait même plus à craindre et plus redoutable qu’une composée d’hommes phis pehts. — C’est par les yeux que la crainte se communique à lûme, pour peu qu’elle ne soit pas bien assurée ; rt I homme faible se grossit les objets à mesure qu il s en approche. — Lorsque les Romains marchaient (ennemi, ils ôtaient l’étui de cuir qui couvrait leur casque, afin que, les rayons du soleil réfléchissant sur Iairain, leur armée parût plus redoutable à l’ennemi. Leur casque était surmonté d’un cimier ; les uns avaient on dragon, les autres un lion, d’autres un aigle ; et ce cimier était ombragé de plumes de différentes couleurs, qui élevaient l’homme fort au dessus de sa taille. Ce qui fait d’ailleurs préférer un homme de haute taille à un de petite stature, c’est qu’il a réellement meilleur air sous les armes ; et qu’eu général un homme de belle faille et bien fait marche mieux, Tait des pas plus allongés sans se gêner : eonséqoemment les évolutions se font plus promptement, et on peut les multiplier, si cela est nécessaire, sans le fatiguer. Comme la taille des Romains était généralement peu élevée, ils composaient presque toule leur cavalerie de Tliraces, qui étaient grands, Irès-courageux, fort lions cavaliers, et qui menaient parfaitement leurs chevaux. —Polybedit (1. VI, c. 4) « qu’il fallait avoir « dix ans de service militaire pour entrer dans les charges « civiles ; » et Végèce, « que les charges civiles ayant « attiré la plus belle jeunesse de l’État, on ne pouvait plus « choisir dans celte jeunesse les hommes de haute taille

  • P°ur, C8 enrôler ; « mais Polybe avait écrit son histoire

environ six cent trente ans avant Végèce ; et il y a toute apparence que, sous Valentinien, la loi qui obligeait chaque citoyen à servir dix ans avant que d’obtenir une charge civile était abrogée. Cette loi était conforme à l’esprit de conquête des Romains ; il était nécessaire d’obliger chaque citoyen à servir dans les armées, avant que d’embrasser aucune profession ; mais, sous Valentinien, les conquêtes des Romains étaient si étendues, qu’il ne leur devait pas être difficile, malgré l’abrogation de cette loi, de choisir dans les sujets de l’empire ceux qui étaient en état de porter les armes pour compléter les légions ; d’ailleurs, il y avait longtemps que la discipline militaire s’était très-relâchée, que même elle était pour ainsi dire oubliée. Les citoyens ne s’empressaient plus de venir s’enrôler ; on 47.