Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/748

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éducation, à leurs mœurs et à leurs préjugés. Il ne faut pas craindre que les circonstances détruisent ces préjugés, lorsqu’ils ont été sucés avec le lait. Le Suisse doit sa force à la nature de son pays, et plus encore à ses mœurs ; mais il doit sa valeur à l’amour de la liberté et de sa patrie dans lequel il est élevé.— Voy. aussi de Turpin de Crissé, ses Commentaires sur les Mémoires de Montecuculli, t.I, ch. 11, éd. in-4o, p. 55.

Ea, quæ a doctissimis hominibus comprobata sunt, non omittam. Omnes nationes, quæ vicinæ sunt soli, etc. Voy. Vitruve (VI, 1), Pline (H. N., III, 14), Diodore de Sicile (III, 12).

Verum ordo deposcit. Plusieurs éditions portent rerum au lieu de verum, que maintiennent les meilleures.

Modestiam servat in castris. « Les généraux romains, et particulièrement César, exigeaient de leurs soldats autant de docilité et de modération que de valeur et de courage. Suivant Salluste, ils punissaient plus ceux qui avaient combattu contre les ordres du général, ou qui s’étaient retirés trop tard du combat, que ceux qui s’en étaient retirés trop tôt. C’étaient proprement les mouvements des enseignes qui devaient régler ceux des soldats. »

CHAPITRE III.

Sons Valentinien II (à qui Végèce dédia ses Institutions militaires), Rome, quoique très-puissante, et n’ayant rien perdu de ses conquêtes, dégénérait cependant depuis longtemps de sa splendeur. Ce n’étaient déjà plus ces anciens Romains qui ne connaissaient que les camps et les combats, qui n’avaient d’autres bains que ceux qu’ils prenaient dans le Tibre après l’exercice du champ de Mars, et qui ignoraient jusqu’au nom de luxe. Mais, après Jules César, ces mêmes Romains oublièrent les vertus de leurs ancêtres ; leurs richesses leur firent connaître des besoins qu’ils avaient ignorés jusqu’alors ; et, du temps de Végèce, ils étaient absolument déchus de ces mœurs austères, guerrières et patriotiques qui avaient tant illustré leurs aïeux. Cependant, comme ils n’avaient encore rien perdu de leurs possessions, ils pouvaient choisir leurs soldats ou dans les villes ou dans la campagne ; mais ceux tirés des villes n’étaient plus ce qu’avaient été leurs pères du temps des consuls. C’est sans doute ce qui fait conseiller à Végèce de choisir de préférence les soldats dans la campagne, comme moins adonnés aux vices qui infectaient les habitants des villes, et comme plus habitués au travail, aux fatigues et aux injures du temps. — Le conseil de Végèce est juste, et absolument à l’avantage du militaire ; mais, dans cette circonstance, il a plus envisagé l’intérêt propre du militaire que celui de l’État en général ; et il est dangereux de sacrifier les autres états d’un royaume à un seul, quelque nécessaire et indispensable qu’il soit. Toutes les professions sont utiles ; il y en a dans le nombre qui le sont plus les unes que les autres. L’agriculture doit être une des plus protégées, parce que c’est celle qui donne la vie aux citoyens. Or, les soldats uniquement choisis dans la campagne seraient en grande partie tirés de la classe des cultivateurs ; et, pour mieux composer l’état militaire, il pourrait arriver qu’on mettrait la disette dans le royaume, faute de bras pour labourer et ensemencer les terres.

De qua parte nunquam credo potuisse dubitari. « Si le sentiment de Végèce n’était pas d’après la raison et l’expérience, autorités les plus imposantes, je dirais qu’il est d’après Pline (XVIII, 5), qui a soutenu avant lui que les soldats les plus forts, les plus courageux, les plus dociles, sont ceux qu’on tire de la campagne. »

Solis patiens ; umbræ negligens. Plusieurs manuscrits portent, suivant Modius, solis patiens æstum ; mais Schwebelins ne doute pas que ce dernier mot ne soit une addition de scribe. — L’édition de Rome porte imbrem negligens, et Modius lisait imbrium ; conjecture qui ne plaît pas à Schwebelius, mais qui est approuvée par Oudendorp.

Laborum tolerantiam. Des manuscrits portait : laborem tolerantiamque ; d’autres, malorum tolerantiam.

Interdum sub divo, interdum sub papilionibus. « Les premiers Romains passaient toute la campagne sans tentes, couchant indifféremment à terre partout où ils se trouvaient, sans aucune précaution contre les injures de l’air. Il est vrai qu’ils se retiraient toujours à l’entrée de l’hiver dans Rome, et y déposaient les armes jusqu’au printemps suivant. Mais Camille, s’étant obstiné au siège de Véies dans une saison avancée, introduisit l’usage des tentes de toile, tendues avec des cordes et des piquets. Végèce appelle ici papiliones ce que plusieurs auteurs et lui-même appellent ailleurs tentoria. — Les Romains se servirent dans la suite de baraques faites d’un assemblage de bois léger, et qui se transportaient aisément d’un lieu à un autre : c’est ce que Végèce appelle ailleurs tabernacula, on casæ. L’usage des peaux était plus ordinaire, d’où vint cette expression familière aux auteurs latins : sub pellibus hibernare, pour signifier faire la guerre en hiver. »

Agrariis. On lit dans quelques manuscrits angariis, qui n’a ici aucun sens. On apprlait agrariæ, des postes militaires placés en avant du camp dans la campagne, (in agris). Végèce s’est encore servi ailleurs de cette expression (III, 18, 26, § 2). Voy. aussi Turnèbe, Adrersar., IV, 7).

Cincinnato. On lit ensuite, dans quelques manuscrits, viro optimo ; éloge décerné par quelque scribe à Cincinuatus, qui peut bien s’en passer.

Minus mortem timet, qui minus deliciarum novit in vita. « C’est en réfléchissant sans doute sur ce sentiment intérieur, qu’Alcibiade, réfugié chez les Lacédémoniens, disait de ce peuple (Var. hist., XIII, 38) : « Je ne m’étonne point qu’ils se précipitent dans le péril, qui semble moins leur ôter la vie que leur faire présent de la mort. » Dans le même esprit, un Sybarite ne trouvait pas extraordinaire que les Spartiates cherchassent à mourir dans les combats, pour se délivrer de tant de travaux, et s’affranchir d’une discipline si rigoureuse. — Plutarque (Pélopid.) rapporte à ce sujet la réponse d’un soldat très-brave, qui le fut moins après qu’Antigone l’eût fait traiter d’une maladie qu’il avait depuis longtemps. Ce prince lui ayant demandé la cause de ce changement : « C’est vous, lui dit-il, qui m’avez rendu moins hardi, en me guérissant des maux qui me rendaient la vie odieuse. »

CHAPITRE IV.

Quelles que pussent être sous Romulus les conquêtes des Romains, elles ne purent être assez considérables poor qu’ils eussent sous les armes jusqu’à vingt mille hommes d’infanterie et huit cents de cavalerie, sans enrôler, non seulement des citoyens en état de porter les armes, mais aussi ceux qui, trop jeunes encore, n’auraient pas dû, dans un État plus peuplé, être admis à la milice, puisque Végèce dit : « Si l’on veut suivre l’ancienne coutume, il est certain qu’on peut comprendre dans les levées ceux qui entrent en âge de puberté. » Or, l’âge de puberté est à quatorze ans ; ainsi il fallait, ou que les Romains fussent plus formés et plus forts que ne le sont nos jeunes gens, ou que, n’ayant pas encore cette connaissance de la guerre qu’ils acquirent depuis, ils ne fissent consister la force de leurs armées que dans le nombre ; ou enfin que, prévoyant qu’ils auraient de longues guerres à soutenir, ils enrôlassent ces enfants, non pour les faire combattre, mais pour les instruire bonne heure, les plier à l’ordre et à la discipline, et former leur corps aux fatigues et aux travaux de la guerre, pour remplacer, avec le temps, ceux qui ne seraient plus en état de servir, ou qui auraient été tués ; car il n’est pas