Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/76

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contre main, bouclier contre bouclier ; et l’air retentissait de cris de triomphe et de détresse.

Enfin notre aile gauche, s’ébranlant de nouveau et chassant devant elle des multitudes d’ennemis, venait avec furie prendre part à cet engagement, lorsque inopinément la cavalerie lâcha pied à l’aile droite, et se replie s’entre-choquant jusqu’aux légions, où, trouvant un point d’appui, elle put se reformer. Voici ce qui avait causé cette alarme. Le chef des cataphractes, en rectifiant un vice d’alignement, reçut une blessure légère ; et l’un des siens, dont le cheval s’abattit, resta écrasé sous le poids de l’animal et de son armure. Ce fut assez pour que le reste se dispersât ; et ils eussent tous passé sur le ventre à l’infanterie, ce qui eût causé un désordre général, si cette dernière n’avait soutenu leur choc par sa masse et par sa résolution.

De son côté, César voit cette cavalerie éparse, et cherchant son salut dans la fuite. Il pousse à elle, et se jette au-devant comme une barrière. Le tribun de l’un des escadrons l’avait reconnu, en voyant de loin-flotter au haut d’une pique le dragon de pourpre qui guidait son escorte, enseigne dont la vétusté attestait les longs services. Plein de honte, et la pâleur sur le front, cet officier court aussitôt rallier sa troupe. Julien alors, s’adressant aux fuyards de ce ton persuasif qui ramenait les cœurs les plus ébranlés : « Où courons-nous, braves gens ? leur dit-il. Ne savez-vous pas qu’on ne gagne rien à fuir, et que la peur elle-même ne peut conseiller un plus mauvais parti ? Allons donc rejoindre les nôtres qui combattent pour la patrie, et ne perdons pas, en les abandonnant sans savoir pourquoi, la part qui nous reviendra du triomphe commun ». Par cette adroite allocution, il les ramène à la charge, renouvelant ainsi, à quelques particularités près, un trait qui jadis avait honoré Sylla. Abandonné des siens dans une rencontre où il se trouvait pressé par Archélaüs, lieutenant de Mithridate, Sylla saisit l’étendard, le lance au milieu des ennemis, et dit à ses soldats : « Allez, vous qu’on avait désignés pour partager mes périls. Et si l’on vous demande où vous avez perdu votre général, répondez (et vous direz vrai) : En Béotie, où nous l’avons laissé seul combattre et verser son sang pour nous ».

Profitant de leur avantage et de la dispersion de la cavalerie, les Allemands fondent sur notre première ligne de pied, comptant trouver des hommes ébranlés, et peu capables d’une résistance énergique. Mais leur choc fut soutenu, et l’on se battit longtemps sans que la balance penchât d’un côté ni de l’autre. Les Cornutes et les Braccales, milices aguerries à ces gestes effrayants qui leur sont propres joignirent alors ce terrible cri de guerre qu’ils font entendre dans la chaleur du combat, et qui, préludant par un murmure à peine distinct, s’enfle par degrés, et finit par éclater en un mugissement pareil à celui des vagues qui se brisent contre un écueil. Les armes se choquent, les combattante se heurtent au milieu d’une grêle sifflante de dards, et d’un épais nuage de poussière qui dérobe tous les objets. Mais les masses désordonnées des barbares n’en avancent pas moins avec la fureur d’un incendie ; et plus d’une fois la force de leurs glaives parvint à rompre l’espèce de tortue dont se protégeaient nos rangs par l’adhérence de tous les boucliers. Les Bataves voient le danger, sonnent la charge ; secondés par les rois, ils arrivent au pas de course au secours de nos légions, et le combat se rétablit. Cette troupe formidable