Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/88

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les seules limites de l’Orient marquaient celles de ma puissance. Renonce donc à ce vain étalage de menaces convenues. On sait assez que c’est par modération, non par lâcheté, que nous aimons mieux attendre qu’aller chercher la guerre ; mais que toute attaque sur notre territoire nous trouvera toujours prêts à la repousser avec énergie. L’histoire est là pour prouver, outre notre propre expérience, que si la fortune de Rome a pu (et l’exemple en est rare) chanceler dans tel combat, l’avantage en définitive lui est toujours resté. »

L’ambassade perse reçut un congé pur et simple : les extravagantes prétentions de son souverain ne méritaient pas plus. Mais presque immédiatement Constance fit partir, avec sa lettre et des présents, Prosper, accompagné de Spectate, tribun et notaire; et, par le conseil de Musonien, leur adjoignit le philosophe Eustathe, qui passait pour avoir la parole persuasive. Les députés avaient pour instruction de tout tenter pour suspendre les préparatifs de Sapor, pendant qu’on ferait les derniers efforts pour mettre notre frontière du nord en bon état de défense.

VI. Durant cet échange peu amical de notes, les Juthunges, peuplade allemande voisine de l’Italie, s’avisa, au mépris des traités et du pacte imploré naguère avec tant d’instance, de faire une irruption sérieuse en Rhétie, poussant les hostilités, contre l’usage de ces nations, jusqu’à former le siège des villes. Barbation, qui avait remplacé Silvain à la tête de l’infanterie, fut envoyé contre eux avec des forces considérables. Sans courage pour l’action, cet officier savait trouver des paroles. Ses discours donnèrent un tel élan à son corps d’armée, qu’il extermina les barbares, et qu’une poignée à peine s’en échappa pour rapporter dans leurs foyers cette désolante nouvelle. Névita, depuis consul, commandait un escadron de cavalerie dans cette campagne, et prit, dit-on, une glorieuse part au succès.

VII. Un tremblement de terre se fit sentir à cette époque dans la Macédoine, l’Asie Mineure et le Pont, et y ébranla les monts et les villes. Parmi les désastres de toute espèce qu’entraîna ce fléau il faut citer en première ligne la destruction complète de Nicomédie, capitale de la Bithynie. Donnons sur cette catastrophe quelques détails avérés.

Le 9 des calendes de septembre (24 août), au lever du soleil, l’aspect serein du ciel tout à coup fut troublé par un amas de nuages de couleur de suie. Toute clarté disparut. Il devint impossible, si près qu’on fût des objets, de rien discerner, tant les yeux étaient obscurcis par l’épaisse vapeur dont l’atmosphère venait d’être envahie. Puis, comme si le Dieu suprême eût lui-même lancé les fatals carreaux de sa foudre, et déchaîné les vents des quatre points opposés du globe, une effroyable tempête fit mugir les montagnes, et retentir les rivages du fracas des vagues qui vinrent s’y briser. Le sol trembla, et par des secousses affreuses, accompagnées de trombes et de typhons, renversa de fond en comble la cité et ses faubourgs. La ville étant construite en grande partie sur le flanc d’un coteau, les édifices croulèrent les uns sur les autres avec un bruit épouvantable. L’écho des montagnes renvoyait les cris désespérés de tous ceux qui appelaient une femme, un enfant, un être qui leur était cher. Enfin, après la deuxième heure, et