Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/90

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Les brasmaties, fermentation violente des entrailles de la terre, qui lui fait avec effort soulever à sa surface des masses considérables : ainsi ont surgi en Asie Délos, Hiéra, Anaphé et Rhodes, cette dernière successivement connue des anciens sous les noms d’Ophiuse et de Pélagie, et qu’on dit avoir été arrosée d’une pluie d’or ; ainsi sont nées Éleusis en Béotie, Vulcano dans la mer de Tyrrhène, et nombre d’autres îles. Les climaties, qui couchent sur le flanc des cités, monuments et montagnes, et passent le niveau sur le sol. Les chasmaties, où la force de la commotion ouvre des gouffres, et absorbe toute une contrée. C’est ainsi que se sont abîmées à jamais, dans la profonde nuit de l’Érèbe, une île de la mer, Atlantique, plus spacieuse que toute l’Europe ; Hélicé et Bura, dans le golfe de Crisa ; et, près du mont Ciminus en Italie, la forte ville de Saccumum. Enfin les mycematies, variété des trois autres espèces, s’annoncent par un bruit souterrain et terrible. C’est une convulsion intestine du globe, qui en apparence va se dissoudre, mais dont les éléments ne tardent pas à se rasseoir. Ce qui caractérise surtout ce phénomène, c’est le sourd mugissement qui le devance, et qui ressemble à celui des taureaux. Reprenons notre récit.

VIII Cependant César, tout en hivernant chez les Parisiens, faisait ses dispositions pour prévenir les Alamans, qui n’avaient pas encore formé de ligue nouvelle, mais dont l’audace et la férocité ne laissaient pas de fermenter jusqu’au délire, nonobstant le désastre d’Argentoratum. C’est l’habitude des Gaulois de n’entrer en campagne qu’au mois de juillet, et il lui fallait jusque-là contenir son impatience. Les opérations ne pouvaient commencer, en effet, avant que la fonte des neiges et des glaces eût permis l’arrivée des convois venant d’Aquitaine. Mais peu d’obstacles tiennent contre l’activité du génie. Julien étudia son plan sous toutes les faces, et s’arrêta enfin à l’idée de devancer la saison, et de tomber sur les barbares à l’improviste. Il ouvrit donc les magasins, et fit prendre à ses soldats, qui ne demandaient pas mieux, une provision de vingt jours de ce pain cuit pour être de garde, et qu’on appelle vulgairement biscuit. Quand elle fut faite, il partit sous des auspices non moins heureux qu’à sa précédente expédition, et comptant bien en mettre à fin, en cinq ou six mois, deux autres d’une urgente nécessité. Il se porta d’abord contre les Francs dits Saliens, qui s’étaient établis de leur propre autorité sur le territoire romain en Toxiandrie[1].

À Tongres, il rencontra une députation de ce peuple, qui, le supposant encore dans ses quartiers d’hiver, lui faisait offrir la paix. Ils étaient chez eux, à les entendre, et promettaient de s’y tenir tranquilles, pourvu qu’on ne vint pas les y troubler. Julien amuse les députés quelque temps par des paroles ambiguës, et finalement les congédie avec des présents, leur laissant croire qu’il attendrait leur retour. Mais ils n’eurent pas le dos tourné, qu’il se remit en marche ; et, faisant suivre à Sévère la rive du fleuve afin d’étendre sa ligne d’attaque, il tombe comme la foudre sur le gros de la nation, qu’il trouva plus disposée à s’humilier

  1. Zélande.