Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/96

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quoique son inférieur en rang, et son vassal. On examina la question, et il fut décidé que les Sarmates, de tout temps clients des Romains, n’étaient sujets à aucune autre dépendance, et qu’ils étaient séparément tenus de livrer des otages pour garantie de leur conduite à venir ; ce qui fut accepté par eux avec reconnaissance.

Ce fut alors une affluence infinie de peuplades et de rois qui arrivaient à la file, et qui, apprenant qu’Araharius avait obtenu sa grâce, venaient aussi nous supplier d’écarter le glaive suspendu sur leurs têtes. La même faveur leur fut octroyée, et ils offrirent pour otages les enfants des premières familles, qu’ils firent venir du fond de leur pays. Ils rendirent aussi tous leurs prisonniers, et montraient autant d’affliction à se séparer de ceux-ci que de leurs compatriotes.

On reprit ensuite en considération le cas particulier du peuple sarmate, qui parut plus digne de pitié que de ressentiment. Notre intervention dans ses affaires fut pour lui d’un bonheur incroyable ; et cette circonstance semble vérifier l’opinion que le pouvoir du prince enchaîne les événements et dispose du sort. Une race indigène, forte et puissante, avait jadis eu la haute main dans ce pays ; mais il éclata contre eux une conspiration de leurs esclaves : c’est la force qui fait le droit chez les barbares. Les maîtres durent succomber sous des adversaires non moins énergiques et plus nombreux. La peur mit le trouble dans leurs conseils ; ils s’enfuirent dans le pays lointain des Victohales, préférant, dans le choix des maux, le joug de leurs défenseurs à celui de leurs propres esclaves. Quand ceux-ci furent reçus par nous en grâce, les Sarmates se plaignirent de la sujétion que le malheur leur avait fait accepter, et réclamèrent notre protection directe. L’empereur, touché de leurs peines, leur adressa en présence de toute l’armée de bienveillantes paroles, leur enjoignit de n’obéir qu’à lui seul et aux généraux romains ; et, pour sanctionner leur réhabilitation comme peuple par un acte solennel, il leur donna pour roi Zizaïs. Celui-ci, dans la suite, se montra digne de son élévation et de l’insigne confiance que l’on avait mise en lui. Ainsi se termina cette série de transactions glorieuses. Mais nul des impétrants n’eut permission de se retirer avant le retour convenu de tous les prisonniers nos compatriotes.

On se porta ensuite sur Bregetium[1]. Les Quades exerçaient dans ce canton un reste d’hostilité qu’on voulait éteindre dans le sang ou dans les larmes. À la vue de notre armée, déjà parvenue au cœur du pays, et dont le pied foulait leur sol natal, Vitrodore, fils du roi Viduaire, et Agilimunde, son vassal, accompagnés des chefs ou juges de diverses tribus, vinrent se prosterner devant nos soldats, et jurèrent sur l’épée nue, seule divinité reconnue par ce peuple, de nous garder fidélité.

XIII. Ce n’était pas tout des brillants résultats qu’on venait d’obtenir : les raisons d’utilité et de morale exigeaient encore que l’on marchât sans perdre de temps contre les Limigantes, les esclaves révoltés des Sarmates, et qu’il fût fait justice de tous les griefs qui s’élevaient contre eux. Ceux-ci en effet, laissant dormir leur vieille que-

  1. Aujourd’hui Szoeni, près de Cormorn.