Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/99

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an grand nombre, et, dans cette occasion, surent combattre et vaincre sur un sol où il semblait qu’on ne pût pas même tenir pied.

(19) Les Acimicences (c’était le nom de cette tribu) totalement détruits ou dispersés, on marcha sans délai contre les Pincences, ainsi nommés de la contrée qu’ils avoisinent. Ceux-ci n’ignoraient pas le désastre de leurs compatriotes, mais la nouvelle n’avait fait qu’augmenter leur sécurité. Cette peuplade était dispersée sur un vaste territoire, où il nous eût été difficile de l’aller chercher, dans l’ignorance où nous étions des routes. On emprunta donc pour la dompter le secours des Taïfales et des Sarmates libres.

(20) Le plan d’opération fut réglé d’après les positions respectives, nos troupes attaquant l’ennemi par la Mésie, et nos alliés occupant chacun la partie de la contrée qui lui faisait face.

(21) Les Limigantes, tout consternés qu’ils étaient des terribles leçons données à leurs compatriotes, se demandaient encore s’ils devaient recourir aux armes ou à la prière. Ils avaient tout lieu cependant, après ce qui s’était passé, de savoir à quoi s’en tenir sur l’alternative. Enfin, dans un conseil des vieillards, la résolution de se rendre prévalut, et à la gloire des triomphes précédents vint s’ajouter la soumission d’ennemis qui devaient la liberté â leur courage. Le peu qui en restait, dédaignant de se rendre à d’anciens maîtres qu’ils regardaient comme au-dessous d’eux, vinrent en suppliants courber le front devant des hommes qu’ils reconnaissaient pour leurs supérieurs.

(22) Presque tous, avec notre foi pour garant, quittèrent l’asile inexpugnable de leurs montagnes, et se rendirent au camp romain, d’où ils furent dispersés au loin dans une vaste contrée, emmenant avec eux leurs vieillards, leurs femmes, leurs enfants, et le peu de ce qu’ils possédaient, dont un départ si précipité leur permit le transport.

(23) Ces mêmes hommes, qui semblaient ne devoir abandonner leur pays qu’avec la vie, au temps où ils appelaient liberté ce qui n’était qu’une démence effrénée, se résignaient ainsi à obéir, et acceptaient un établissement paisible, assurés désormais contre les maux de la guerre et ceux de l’émigration. Ils vécurent quelque temps en paix dans cette condition, qui les satisfaisait en apparence ; mais leur férocité naturelle, prenant bientôt le dessus, les poussa, par des forfaits nouveaux, à mériter enfin leur destruction entière.

(24) L’empereur couronna cette série de succès en donnant à l’Illyrie un double gage de sécurité. L’idée lui en appartenait, et il eut l’honneur de l’accomplir. Ce fut la rentrée en possession de son pays d’un peuple d’exilés, dont le caractère mobile pouvait à la vérité inspirer quelques craintes, mais dont il était en droit d’attendre plus de circonspection à l’avenir. Et, pour rehausser encore ce bienfait, il lui donna pour roi, non pas un inconnu, mais l’homme de son choix, un prince du sang royal, non moins remarquable par ses avantages extérieurs que par les qualités de son esprit.

(25) Cette conduite, aussi pleine d’adresse que de bonheur, releva le caractère de Constance aux yeux de l’armée, qui d’une voix unanime lui décerna pour la seconde fois le titre de Sarmatique, du nom des peuples qu’il avait subjugués. Le prince, au moment de son départ, fit assembler les cohortes, les centuries et les manipules ; puis, montant sur son tribunal, entouré