Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/100

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des principaux chefs de l’armée, il lui adressa ces paroles, bien faites pour produire sur elle une favorable impression :

(26) "Fidèles soutiens de la puissance romaine, les souvenirs de gloire, je le sais, sont pour les cœurs courageux la plus douce des jouissances. Je veux donc, puisque la protection d’en haut nous a donné la victoire, passer en revue devant vous, sans que la modestie en soit blessée, ce que chacun de nous a fait avant la bataille et pendant la chaleur de l’action. Quoi de plus légitime, en effet, de moins suspect aux yeux de la postérité, que ce loyal témoignage que se rendent à eux-mêmes, après le succès, et le soldat de sa bravoure, et le chef de sa bonne direction ?

(27) L’ennemi déchaîné désolait l’Illyrie, et, dans sa jactance effrénée, insultant à notre absence, commandée par le salut de l’Italie et de la Gaule, il étendait bientôt ses ravages jusqu’au- delà de nos frontières. S’abandonnant sur des troncs d’arbres creusés, il franchissait ainsi les fleuves, ou les passait à gué. Mal armé, sans force réelle, et incapable de lutter contre une troupe régulière, il s’était fait craindre de tout temps par l’audace de ses brigandages imprévus, et son adresse singulière à se rendre insaisissable. Trop éloignés du théâtre du mal, nous avons dû longtemps nous en reposer sur nos généraux du soin d’en réprimer l’excès ;

(28) mais il s’est accru par l’impunité jusqu’à devenir une sorte de dévastation organisée de nos provinces. C’est alors qu’après avoir fortifié les accès de la Rhétie, pourvu d’une manière efficace à la sûreté des provinces de la Gaule, tranquilles désormais sur nos arrières, nous sommes venus, avec l’aide de Dieu, rétablir l’ordre dans les Pannonies. Tout était prêt, vous le savez, dès avant la fin du printemps, pour aborder de front les difficultés d’une telle campagne. Et d’abord il a fallu protéger contre un orage de traits la construction des ponts qui nous étaient nécessaires. Cet obstacle est bientôt vaincu, et déjà nous foulons du pied le sol ennemi. Une partie des Sarmates s’obstine à combattre ; il nous en a peu coûté pour lui faire mordre la poussière. Les Quades, qui prétendent les secourir, viennent avec la même fureur fondre sur nos braves légions, et sont pareillement écrasés. Enfin, des pertes énormes essuyées, soit en fuyant devant nos coups, soit en s’efforçant de nous faire tête, leur ont donné la mesure de la valeur romaine. Ils ont compris que pour eux l’unique voie de salut était la prière. Ils ont mis bas les armes, offert aux liens de l’esclavage ces mains qui avaient tenu le fer, et sont venus se jeter aux pieds de votre empereur, implorant la clémence de celui. dont ils avaient éprouvé la fortune dans les batailles.

(29) Débarrassés de ces ennemis, nous avons abattu non moins glorieusement les Limigantes. Un grand nombre de leurs guerriers est tombé sous nos coups ; le reste a cherché contre la mort un refuge dans ses marécages.

(30) Notre triomphe était complet : c’était le tour de la clémence. Les Limigantes ont été forcés d’émigrer assez loin pour ne pouvoir désormais rien entreprendre contre nous. À cette condition, nous avons fait grâce au plus grand nombre. Zizaïs, un allié fidèle et dévoué, va régner sur les Sarmates libres. Ils auront un roi de notre main ; c’est mieux que de leur en ôter un ; et, ce qui ajoute à l’éclat de son avènement, c’est