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NOS TRAVERS

son monde à adopter un train de maison n’en demandant que la moitié, tandis qu’il consacre le reste aux caprices de l’ogre insatiable qui s’appelle son « plaisir, » idole impérieuse que sa faiblesse souvent sert en gémissant ?

Que du pères en effet invoquent la sainte économie pour refuser un voyage à leur femme, quelqu’innocent plaisir à leurs filles, et qui, en leur tournant le dos, s’en vont droit au club perdre en dix parties de poker deux fois la somme qui aurait fait le bonheur des leurs.

On sait quel noviciat prépare à devenir de pareils bons vivants.

Quelques-uns de ses commandements enjoignent de :

1. Ne perdre aucune occasion de noyer sa raison dans son verre en ces saturnales ou fêtes nocturnes pour lesquelles tout prétexte est bon : enterrement de vie de garçon, succès, fête, ou mort peut-être d’un ami, que sais-je ? (condition essentielle pour établir sa renommée de « bon luron » ).

2. D’appartenir à quelque club fashionable ; d’y savoir perdre sans sourciller toute sa petite fortune, et même davantage.

3. De s’habiller à l’anglaise.

4. De fumer comme un paquebot.

5. De ne plus fréquenter les salons.

6. De faire au moins une fois l’an un voyage dans quelque grand centre, et en rapporter de merveilleuses relations, « d’excellentes histoires » à ses amis de cercle.

7. Payer la traite plusieurs fois le jour à des copains qui rendent la politesse incontinent.

8. Et le reste, et le reste. Ces messieurs ne m’accuseront pas d’écrire une phrase vide de sens quand je dirai que j’en passe et des meilleures.

Et voilà ce que beaucoup de gens appellent des bons partis ! Dieu en préservent nos filles !

Pourquoi appeler des bons partis des gens qui, ayant le talent de faire de l’argent, montrent des aptitudes supérieures pour le dépenser ?