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LA CONVERSATION

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Au milieu d’un monde insignifiant, occupé de cancans et de niaiseries, l’homme ou la femme dont l’esprit a été formé par des entretiens instructifs sur des sujets plus élevés que les ridicules du prochain ou les potins de salons, dominent aisément. Cette éducation intime par la simple conversation de famille est le secret d’un grand nombre de ces fortunes singulières dans notre monde politique ou social.

Les parents l’oublient trop souvent : Ce qui se dit à la table paternelle et autour de la lampe dans les veillées en commun, voilà la semence qui, plus que les leçons de l’école, germe dans l’esprit des enfants et porte des fruits.

Pourquoi les fils et les filles d’hommes intelligents et eux-mêmes sujets brillants à l’école, oublient-ils tout ce qu’ils ont appris et sont-ils souvent empêchés de faire leur chemin dans le monde aussi bien que d’autres ?

C’est que l’atmosphère de la famille en est une d’abrutissement pour eux ; c’est qu’en dehors des études théoriques de la classe, rien d’intellectuel ne tient leurs facultés en éveil.

Il y a des hommes instruits, occupés tout le jour de questions intéressantes et qui semblent accrocher leur esprit en entrant chez eux au même clou que leur chapeau, pour le reprendre en sortant. Ils subissent autour d’eux des discours puérils, vulgaires et médisants ; ils en souffrent peut-être en silence sans songer un instant que c’est à eux de changer le ton de la conversation et de la diriger d’une façon plus raisonnable.