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FAUT-IL LIRE

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Je répondrais, à qui me ferait pareille question, par cette autre : Faut-il manger ?

Notre père Descartes, comme l’appelait Mme  de Sévigné, a donné de l’âme cette définition : « Une substance qui pense. » Or, avec quoi voulez-vous qu’on nourrisse une pareille organisation, si ce n’est avec des pensées ? Cet aliment ne se trouve pas plus dans notre propre fonds que celui de notre corps n’est compris dans la matière qui le compose.

Si l’on ne nous avait jamais dit ce que c’est que Dieu, que le monde et nous-même, le saurions-nous ? Demandez plutôt au sauvage inculte de l’Afrique. Ce barbare qui mange son semblable, quoiqu’il ait une âme, ressemble plus à une bête qu’à l’homme. Pourquoi ? parce qu’il ne pense pas. L’étincelle divine qu’il a reçue avec la vie, son intelligence est éteinte.

Entre cette brute humaine et les saints ou les philosophes, qui ne vivent pour ainsi dire que de la vie de l’esprit, il y a plusieurs degrés. Auquel de ces degrés correspond notre condition ? Cela dépend de la mesure dans laquelle nous exerçons notre intelligence. Les notions élémentaires, apprises au catéchisme et à la classe, si notre esprit ne s’applique pas à les cultiver par la réflexion, resteront en nous comme des tiges étiolées et stériles.

Réfléchir, voilà la fonction naturelle de cette intelligence que le Bon Dieu nous donne pour qu’on s’en serve.