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L’ART DE NE PAS VIEILLIR

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Dites-moi un peu, n’est-ce pas une loi aussi ancienne que le monde, une chose toute naturelle, nécessaire, je dirai même utile que de vieillir ?

D’abord, c’était le seul prétexte honnête de ceux qu’avaient épargnés les mille maux, catastrophes, épidémies qui élaguent constamment l’humanité de ses rameaux trop faibles ou trop abondants, pour faire une fin, car on a beau dire, il faut toujours en venir là ; aussi l’avantage d’avoir trouvé le secret de retarder la dissolution est-il bien discutable. Il faudrait découvrir celui de l’empêcher tout à fait. L’immortalité ou rien.

Ce doit être à dessein que le bon Dieu a laissé s’égarer pendant de si longs siècles la recette du père Mathusalem. Dans ses impénétrables et miséricordieuses vues la longévité pour les mortels ne lui semble probablement que la prolongation d’un misérable exil.

Ne voilà-t-il pas que maintenant, au moyen d’une liqueur magique dans laquelle entrent, comme élément essentiel, quelques parcelles de certains organes d’animaux broyés tout palpitants de vie au moment de la composition du liquide qui s’injecte sous la peau, on va donner à l’homme un rajeunissement merveilleux.

Tout renaît ; les facultés intellectuelles mêmes se ravivent et recommencent leur libre exercice que l’âge avait ralenti.

Mais alors nos aïeuls respectés dont on aime et choie l’aimable vieillesse, nos aïeuls repris de fièvres fourvoyées, munis de facultés subtilisées à de passives créatures, redeviendraient des personnages turbulents, incontrôlables ?