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DÉVELOPPEMENT DE LA LITTÉRATURE NATIONALE

trer leurs têtes à côté des produits utiles, cherchent un appui auprès de ces tiges vigoureuses, se réfugient à l’ombre de leurs feuilles altières, ou s’assemblent le long des clôtures pour contempler la magnifique croissance des pompeux végétaux.

C’est ainsi qu’au Canada les gens de lettres abdiquent toute idée de domination, et se soumettent à l’« élément supérieur » dont ils dépendent pour leur pain quotidien.

L’opinion personnelle des rédacteurs compte peu. Pourvu que leur prose reflète les idées du lecteur, et qu’ils donnent un compte-rendu succinct de ce qui se passe sur la surface du globe, on ne leur demande pas davantage.

J’ai dit avec intention la « surface ». On n’a que faire en général des questions très profondes ou fort élevées.

Le journalisme ainsi entendu est des plus pratiques, il faut l’admettre. Il fournit aux esprits terre-à-terre le pain grossier qu’ils requièrent.

Quant à ceux qui poursuivent un but moral ou qui nourrissent quelque aspiration artistique, ils doivent forcément recourir aux revues françaises, anglaises et américaines pour y trouver la satisfaction de leurs penchants spéciaux.

On aurait vite fait de compter les publications qui furent fondées en vue d’un objet absolument moral ou artistique ou qui, l’ayant été, poursuivent ce but élevé avec une infaillible constance.

Heureusement ces productions existent — à l’état d’exceptions — pour prouver la possibilité d’un journalisme indépendant chez nous comme ailleurs.

Grâce à l’erreur si générale cependant de métamorphoser un art en commerce ou en agence politique, les journaux canadiens donnent à l’étranger une triste idée de notre culture intellectuelle.

Le journalisme en effet sert d’apprentissage aux vo-