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NOS TRAVERS

cations littéraires. C’est dans nos gazettes que les écrivains imberbes font leur début.

La qualité de leur syntaxe est proportionnée au prix qu’ils en reçoivent. Les choses en somme sont arrangées de telle sorte que les meilleurs écrivains, ceux dont le talent a acquis quelque développement, sont relégués dans la réserve comme des objets précieux, qu’on encourt une trop grande responsabilité à manier tous les jours, tandis que le menu fretin détient le privilège de la parole.

Les éditeurs songent avant tout à se mettre au niveau de l’esprit public, dont les besoins esthétiques sont des plus modestes.

Mais le mauvais goût du public comme les erreurs de sa conduite peuvent être redressés.

C’est aux écrivains, aux journalistes qui représentent le cerveau de la société, à modifier ses tendances. Les nourriciers spirituels d’une nation illettrée doivent ordonner sagement sa ration.

Autrement, la presse destinée à favoriser la diffusion du savoir, risque de devenir plutôt nuisible que bienfaisante.

Si la production littéraire est comparativement restreinte, cela est dû surtout au manque d’encouragement donné aux auteurs. J’en sais qui pourraient publier au moins un livre par année, mais qui s’abstiennent par un scrupule de délicatesse. La crainte d’excéder la patience de leurs compatriotes les retient.

Il y a aussi d’autres raisons qui expliquent cette rareté. C’est souvent un manque d’énergie de la part de ceux qui ont le talent ; c’est un défaut de persévérance et de désintéressement. C’est aussi quelquefois un préjugé.

« Les affaires avant le plaisir » est un principe porté à ses conséquences extrêmes. Quand on est si pratique les affaires accaparent tellement notre vie qu’il