Page:Marchand - Nos travers, 1901.djvu/31

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se réveillant brusquement avec le point final : — Mon Dieu, tout ça ne peut pas t’intéresser. D’ailleurs il n’y a rien. C’est extraordinaire comme il n’y a rien ce soir dans les journaux ! Voilà, dit-il enfin, pliant la dernière gazette avec une vivacité enjouée qui est la contenance d’un coupable entamant la réconciliation.

Telles sont les scènes que le journal provoque souvent dans les familles.

Cependant, malgré ces perturbations — qui ne m’alarment pas trop, parce que les gens qui se querellent ainsi ont en général le bonheur assez robuste pour résister à l’assaut quotidien des imprimés — il arrive que dans plus d’un ménage il est un bienfait, et procure quelques instants de repos à l’épouse éprouvée.

À cause de cela je l’acquitte de ses torts et ne l’associerai décidément pas aux autres ennemis de la femme et du bien public.

Parlons d’abord de la pipe, la souveraine, l’impudente, la tyrannique pipe. Je ne la distingue pas d’ailleurs du cigare et de la cigarette, qui sont ses déguisements, les formes insinuantes qu’elle prend pour mieux s’imposer et se faufiler partout. On connaît le cynique « Vous permettez ? » qui accompagne le flamboiement du phosphore, et met le fumeur tout à fait à son aise pour vous suffoquer à petite fumée.

Avec la pipe primitive et grossière, la descendante en ligne directe du calumet des aborigènes, ce serait peut-être un peu embarrassant ; mais la mignonne papillote renfermant une pincée d’un tabac couleur d’or est bien calculée pour ne pas effaroucher les migraines féminines.

Cette abominable papillote si bien passée dans nos mœurs, empoisonne pourtant toutes les joies du sexe dont elle ne souille pas les lèvres. J’en appelle à ce sexe malheureux, victime d’une éternelle et injuste fumigation.

Voyons, madame, je m’adresse à vous, qui, comme