Page:Marchand - Nos travers, 1901.djvu/32

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presque toutes les Canadiennes, gâtez beaucoup votre mari et me trouvez peut-être intolérante. Ne vous est-il jamais arrivé de projeter un voyage en tête-à-tête, une espère de réédition du “ voyage de noce, " mais plus doux, plus agréablement anticipé parce que l’idée du départ n’est pas dominée et comme noyée par la préoccupation du Oui solennellement irrévocable qu’il faut prononcer le matin du mariage, juste avant de l’entreprendre.

Vous partez par un beau jour d’été, et dans la voiture qui vous emporte vers la gare, dès le début de ce seul-à-seul délicieux, vous avez une envie folle de sauter au cou de votre excellent mari (les Canadiens sont presque tous d’excellents maris).

— N’est-ce pas que nous sommes de pauvres amoureux persécutés qui s’enfuient… Tu m’enlèves !…

— Oh ! ce n’est pas convenable !…

— Et nous allons cacher notre lune de miel en un pays enchanteur, loin du monde… Moi j’aime mieux ça que l’autre lune de miel, — toi ?

Lui sourit de vous voir si heureuse, et vous demande encore, comme M. Perrichon :

— Voyons, es-tu contente ?

Puis quand la question des colis, des billets de chemin de fer, etc., est réglée ; que, confortablement et définitivement installés, l’esprit libre de toute préoccupation, vous n’avez plus qu’à jouir du plaisir de voyager, c’est au tour de votre mari de s’attendrir un brin ; alors vous pressant discrètement la main il murmure tout bas :

“ Vivre ensemble d’abord c’est le bien nécessaire.”

Bref, vous êtes un peu fous… et très heureux, jusqu’à ce qu’une figure connue de citadin, tout à coup surgisse à vos côtés.

— Tiens, vous voilà ! Où vous dirigez-vous ?

— Nous allons à Niagara.