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Page:Marchand - Nos travers, 1901.djvu/33

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— Ah ! quelle coïncidence ; moi aussi… C’est la première fois, madame ?… Vraiment ! Eh bien, vous allez voir !… quel endroit divin ! Vous aimez voyager, madame ?

— Cela dépend, monsieur…

— Moi je trouve cela adorable dans la belle saison.

À ce moment votre interlocuteur met trois doigts dans une des poches de son gilet et adresse à votre compagnon ces paroles fatidiques ;

— Dis donc, tu fumes, toi ?

Crac ! flambée la poétique odyssée ! Adieu les heures d’abandon et d’exquise intimité que vous vous étiez promises.

Tout cela s’envole dans la fumée d’un cigare.


Veut-on encore, après une journée de chaleur accablante aller prendre le frais aux accents d’un orchestre dans un jardin public, l’atmosphère pure qu’on y respire d’abord avec délices ne tarde pas à s’imprégner de l’obsédante odeur du tabac ; l’on est bientôt enveloppé d’un nimbe opaque au milieu duquel on peste violemment et inutilement.

Et celles qui ont assisté à ces émouvantes joutes de sport réunissant sur le vaste champ quinze ou vingt mille spectateurs entassés sur des gradins incommodes, peuvent en dire long sur l’usage tyrannique de la pipe. Au milieu d’une foule parquée, par une température rôtissante, le brouillard asphyxiant qu’elle dégage devient une aggravation insupportable.

Je ne comprends pas ces gracieux athlètes qui, trouvant bon de se faire applaudir par l’élite de la société féminine, ne savent pas lui ménager quelques sièges à l’écart des forcenés de la pipe.

La coutume s’affirme de plus en plus d’inviter les dames aux banquets officiels. Elles cadrent bien apparemment dans le décor de ces agapes patriotiques et solennelles. Il est admis que leur présence produit