Page:Marchand - Nos travers, 1901.djvu/38

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et à son insu, un de leurs amis ayant une réputation d’impeccabilité !… qui le renvoient ainsi chez lui, en se tordant de rire à l’idée de l’effet que produira ce tour délicieux — ce jeu de zoulou pervers.

Le p’tit coup, c’est le fâcheux qui vous fait par douzaines de ces amis encombrants, de ces parasites qui s’attachent à vos pas quand vous avez la réputation de payer la traite, pour parler l’argot du métier.

C’est le démon familier qui préside à toute solennité, met le sceau aux affaires graves qu’on transige et a droit de cité dans les conseils des nations.

Pas un succès qui ne soit couronné de ce complément nécessaire. Pas un édifice public qui ne soit doublé d’une buvette.

Un député remporte-t-il un triomphe oratoire, vite, il faut à sa victoire la sanction du p’tit coup. Toute autre récompense lui paraît d’un platonisme intolérable.

Au palais, l’habileté a-t-elle triomphé de la justice ou ce tour de force si commun qu’on appelle gagner sa cause, est-il seulement en bonne voie de réussir, reçoit-on une délégation, est-on vainqueur dans une lutte électorale ou même vaincu, renverse-t-on un ministère, fouette-t-on un chat, mais apportez donc les verres !

Et le malicieux lutin, le perfide p’tit coup, qui a partout ses grandes et ses petites entrées, se complaît à embrouiller les cartes des stratégistes les plus retors, quand il n’endort pas en pleine pose de dignité les sénateurs graves et compassés.

S’il se contentait encore de priver la patrie du concours de personnages si éminemment utiles ! Mais le pis est qu’il finit par prendre tout à fait pied chez ses victimes, par mettre un peu de son poison dans tous leurs actes, par rapetisser tout en elles et les asservir despotiquement à son joug, à l’obsession de cette idée fixe : Prendre un coup.

Ces forçats du gin-cock-tail, ces gosiers des Danaïdes