Page:Marchand - Nos travers, 1901.djvu/39

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se reconnaissent de loin, se cherchent et s’appellent dans la rue.

— Viens-tu prendre qué’qu’chose ? prononcent-ils tous à la fois dès qu’ils sont à portée de s’entendre.

Et cette façon elliptique de parler ne vient que de l’impatience fiévreuse qu’éprouvent leur langue et leur palais de savourer le fameux nectar.

À vous dire vrai j’ai voué au p’tit coup une invincible vendetta depuis cette fois où je vis un homme d’État devenir la risée d’un salon par sa faute.

Ce monsieur, vous dis-je, fut pendant une demi-heure, le jouet d’une jeune fille qui se plaisait à le faire sauter comme un polichinelle, besogne à laquelle il s’évertuait bravement (il n’avait pas le vin folâtre) tout en suant à grosses gouttes et sans s’apercevoir que les autres danseurs s’interrompaient pour s’amuser de ses cabrioles.

C’était un tableau tragico-comique. Quand le héros de cette ridicule aventure reprit l’usage de ses facultés, il pleura de rage.

Je suppose qu’entre la cause de son incartade et lui, il s’en suivit une brouille éternelle, et que jamais plus ses lèvres n’approchèrent de la coupe maudite.

Je dis je suppose… C’est que je ne connais rien de moins rancunier qu’un gosier sec.

Maintenant, voilà le cas du p’tit coup réglé. Il ne reste plus qu’une chose à faire — pour me servir de la formule des initiés : Allons mouiller ça !