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Page:Marchand - Nos travers, 1901.djvu/50

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LA MODE

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Il est de mise d’en médire, comme de l’Académie, ce qui ne l’empêche pas d’être, malgré tout, la maîtresse du monde.

Elle est la fée charmante dont le bâton magique transforme tout, le caprice léger et gracieux qui embellit les plus belles et la livrée de bon goût de cette aristocratie : l’élégance. Elle est la femme aimée qui commande, opprime, caresse ou tyrannise, dont le joug est doux, qu’on sert à genoux et en dehors de laquelle rien n’est beau ni bon.

Elle est fantastique comme celles qu’on écoute ou qu’on gâte trop ; ses lubies font loi, les humains n’ont pas de recours contre les arrêts de sa bizarrerie et de sa versatilité.

Lui plaît-il de vous laisser grelotter en hiver en des habits étriqués, de vous emprisonner en des fourreaux ou de vous noyer dans l’ampleur de vêtements flottants ; a-t-elle l’idée d’affubler votre tête d’un plat à salade ou d’une coquille de noix, le mieux est encore de se soumettre.

Rien d’ailleurs n’est si facile et si universellement pratiqué. Jamais puissance ne fut mieux ni plus spontanément obéie que la Mode.

Quelques savants ont placé son origine dans les âges les plus reculés. Les plus spirituels d’entre eux ont même prétendu que, née avec la femme, elle affecta d’abord une forme toute simple et très primitive, singulièrement développée et compliquée depuis. Erreur.

Issue d’un mariage entre le Caprice et la Vanité, elle naquit, il y a très longtemps avec la civilisation, c’est-