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Page:Marchand - Nos travers, 1901.djvu/51

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LA MODE

à-dire, dès l’invention des goussets aux habits des maris. Elle loge comme Calypso dans une île mystérieuse avec sa sœur la Coquetterie. Et voilà tout ce que l’on sait de la divinité dont l’empire sur le genre humain est profond et terrible. Plus profond et plus terrible que ne le croient en général ses serviles vasseaux.

Sans parler de ses empiètements dans le domaine moral et de son influence sur la littérature et les arts que son despotisme n’épargne pas, elle fait de sérieux ravages parmi une certaine classe d’hommes.

Pour quelques êtres instinctifs en matière de cœur l’apparence fait tout : Une jolie figure, une taille parfaite, une tournure gracieuse leur jettent un sort. Chez eux, l’épicurisme qui parle plus fort que la raison et la sagesse ne laisse pas d’option sur les sujets qu’il impose.

Que de victimes de la Mode, cette jettatura anonyme, n’a-t-on pas vu gémir — mais trop tard — sur les fatales séductions auxquelles leur cœur se prit comme l’innocente mouche dans les lacets de l’araignée. Je n’exagère rien en révélant cette tyrannie du beau envers un sexe ébloui et sans défense. Elle alla assez loin à diverses époques et notamment à la fin du siècle dernier, pour motiver des décrets sévères défendant certains atours qui mettaient décidément en désarroi le libre arbitre de ces messieurs.

Devant la souveraine grâce féminine atteignant, paraît-il, des sommets éminemment dangereux, ils se tordaient les mains de désespoir et demandaient merci.

Plus de repos, plus de paix, plus de bonheur ici-bas pour les barbus enfants d’Adam avec ces trop délicieuses créatures partout offertes à leurs regards éperdus et qui telles que des sphinx souriants se dressaient où qu’ils essayassent de fuir avec leur charme impétueux, obsédant, acharné.

En Angleterre le parlement s’émut d’un tel état de choses et dicta cette loi paternelle :