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CELLES QUI ÉCRIVENT

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ON connaît le proverbe anglais : Familiarity breeds contempt. La familiarité engendre le mépris. Il est un de ceux qui ne font pas honneur à la race humaine, car il donne à supposer qu’on ne gagne rien à se laisser connaître à fond.

C’est cependant à la lumière de cette vérité que les très habiles dirigent leur conduite. Il est de fait que ces personnages impénétrables, dont on ne peut jamais se flatter d’avoir lu la pensée, que l’on ne saurait prendre à nier, à affirmer quelque chose ou à contredire quelqu’un, qui, interrogés quant à leurs opinions, opposent à toute curiosité indiscrète un sourire connaisseur et mystérieux, sont ceux qu’à tort ou à raison l’on respecte forcément.

Ces sphynx vivants s’attirent l’estime que l’ignorance accorde toujours à ce qu’elle ne comprend pas, et ceux-là sont rares qui refusent le tribut de la crainte admirative à ce Silence d’or dont le veau des Israélites donna le premier exemple.

Plus d’un puissant de nos jours n’est qu’un « poseur », et doit son élévation à la solennité silencieuse dont il voile la profondeur de sa nullité.

La Rochefoucauld a dénoncé ces roués avant nous tous. Il appelle la gravité de certaines gens : « Un mystère du corps cachant l’infirmité de l’esprit. » « Je me suis quelquefois repenti d’avoir trop parlé, dit l’auteur de l’Imitation, rarement de m’être tu. »

Il reste donc avéré que la sagesse consiste à ne se livrer jamais entièrement, et à réserver, en règle géné-