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UN USAGE INOPPORTUN

rale, au moins la moitié de ce que l’on pense, ayant eu soin de choisir préalablement dans ses impressions ce qu’il est le plus avantageux de montrer. C’est à ce triage mental qu’on doit consacrer le temps requis par les sept évolutions de la langue que recommande le sage avant de permettre à cet organe de traduire nos sentiments.

Il va de soi que pour les esprits paresseux le mouvement de rotation peut se prolonger indéfiniment. Je me figure même que c’est à ce moulinet intérieur que les individus énigmatiques dont nous parlions tout à l’heure emploient les moments qu’ils mettent à ne pas répondre.

Ce qui est vrai des paroles l’est bien davantage des écrits, « qui restent, » eux, pour perpétuer les résultats de nos inconséquences et de nos erreurs.

L’expérience nous force à constater ce fait :

Que les ordres, les injonctions et les prières des parents sont presqu’entièrement impuissants à prévenir les étourderies de la jeunesse en ce qui concerne les affaires soi-disant « de cœur, » en ces temps surtout où la surveillance se relâche.

Pas plus en ces sortes d’affaires que pour le reste, l’expérience de ceux qui ont pratiqué la vie ne profite aux autres qui la commencent. Toujours les jeunes papillons iront brûler leurs ailes à la fascinatrice et traîtresse flamme où se blessèrent leurs aînés.

Il n’en faudrait pas conclure pourtant que les sages avertissements, sont absolument inutiles. On rencontre encore parmi les adolescents des esprits prudents et assez soucieux de leur bonheur futur pour songer à se garer de certaines fautes dont ils voient souffrir les autres.

Demandez, mesdemoiselles, à vos amies mariées si elles ne donneraient pas une année de leur vie pour rentrer en possession de tous ces billets parfumés qu’elles semèrent comme autant de plumes au vent à