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NOS TRAVERS

l’époque des rapides et changeantes amourettes. Apprenez comment leur dignité de femme et de mère s’accommode de la pensée que ces feuillets innombrables, floraisons des caprices passés et éteints, subsistent toujours, témoins éternellement indiscrets sinon accusateurs ; et s’il leur plaît que ces otages de leur réputation si délicate, si aisément et gravement atteinte du moindre souffle de la calomnie, reposent entre des mains étrangères, hostiles peut-être.

Un principe de convenance que pratiquait la génération de laquelle est issue la jeunesse d’aujourd’hui, et en honneur encore à cette heure dans les familles qui n’ont pas fait toutes les concessions à l’esprit d’émancipation, exige que, sous aucun prétexte, une jeune fille n’écrive à un jeune homme de son monde à moins d’être irrévocablement liée à lui par l’anneau des fiançailles.

Les Américaines, on le sait, ne sont pas des modèles de cette réserve un peu hautaine, qui est comme une charmante relique des mœurs chevaleresques d’antan, alors que les femmes moins accommodantes avaient des adorateurs plus respectueux. Toutefois, l’éducation toute particulière des filles des États-Unis, leur grande instruction et l’impartialité réelle de leur esprit, qui fait qu’elles choisissent aussi bien dans un sexe que dans l’autre leurs amis, donnent en général à leur correspondance une allure virile, une absence de sentimentalité lui servant de palliatif.

Cependant leur action quelque anodine qu’elle soit n’en est pas moins une déchéance de la dignité féminine. Pour elles, comme pour mes compatriotes et pour toutes les femmes des nations civilisées, cette dignité fait leur unique prestige ; elle est à la fois l’ornement et la protection de leur faiblesse. Si elles y renoncent pour traiter le sexe plus fort d’égal à égal, elles se mettent dans une condition d’infériorité.

Un homme dont les tiroirs sont encombrés par les