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Page:Marchand - Nos travers, 1901.djvu/68

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pestive que je signalerai ici à mes jeunes lectrices, est celle qui consiste à donner à ses amis son portrait.

Cette familiarité expose leur image dans les poches de certains gais lurons à de singulières promiscuités. Un collectionneur de jolis minois qui demande et obtient la photographie d’une jeune fille du monde, ne peut être blâmé, après tout, d’en faire le même cas que les autres — de toute provenance — déjà acquises.

Si une personne bien élevée, ou soi-disant telle, envisage sans répugnance la perspective d’être exhibée aux yeux des connaissances variées qui composent la société d’un jeune homme, en même temps que d’illustres cabotines, certaines célébrités du sport, etc., ma foi, cette personne n’a pas de fierté à revendre.

Rien ne me révolte comme de voir cloué au mur d’une chambre d’étudiant ou de quelque lion de la société, formant éventail avec d’autres photographies, le profil pur de quelque gracieuse enfant.

On éprouve une sensation de souffrance à voir la douce figure égarée au milieu d’un attirail masculin, comme si on la croyait forcée de respirer l’âcre atmosphère propre à ce lieu et qui met sur tous les objets — jusque sur son front charmant — une teinte grise, fanée.

On prend en pitié son sourire naïf et immuable qui s’associe aux bruyantes hilarités de joyeux compères.

Et la pensée nous vient qu’à certains soirs de réunions plénières, durant lesquelles on rebourre les pipes et l’on vide quelques verres en racontant de bonnes histoires, l’indélicatesse visible des mouches innocentes est peut-être la moindre profanation que souffre la pauvre tête de madone.

Je me suis imposé de peindre cette situation sous ses couleurs réelles, cherchant à persuader par l’éloquence des faits.

La conclusion de tout ceci est : qu’une femme reçoit les hommages et les égards que sa conduite lui attire.