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Page:Marchand - Nos travers, 1901.djvu/70

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qui sont forcées de subir quatre ennuyeux pour un danseur agréable.

Jusqu’à son mariage, la jeune fille qui ne veut pas être oubliée est comme contrainte de se montrer dans le monde, tandis que dans notre organisation sociale, les hommes sérieux qu’elle aurait plaisir à y rencontrer s’en retirent presque tous dès qu’ils commencent à être quelque chose.

Tel est pourtant le pénible noviciat que toute fille à marier se voit dans l’obligation de traverser pour conquérir une liberté relative. Il est si dur, que certaines âmes fières, n’en pouvant supporter le joug, abandonnent prématurément la partie, prêtes à sacrifier héroïquement l’espoir de trouver un mari acquis à un prix si élevé.

C’est pourquoi je prêche la philosophie aux jeunes personnes qui entrent dans le monde, car, au fond, le plus clair de ce qu’elles y trouvent toutes, c’est la contrainte, l’ennui et de cruelles humiliations. Ce n’est que du hasard qu’elles peuvent attendre la rencontre de celui qu’elles aimeraient. Et si d’aventure le même malin hasard s’amuse à leur ravir au bout d’un instant le cavalier qu’une plus ample connaissance allait peut-être transformer en adorateur, il leur est interdit de faire pour le retenir le moindre geste ni de tenter pour le ramener la plus petite démarche.

Le mensonge de sa royauté illusoire, il y va du sort même de la femme de le perpétuer et de faire semblant d’y croire. Les lâches qui dans le combat inégal entre leur cœur et leur dignité laissent la victoire au premier, sont ces malheureuses victimes peu intéressantes qui, en étalant leur désolation stérile, ne s’attirent que le ridicule.

C’est le propre de la charité mondaine de prendre parti pour les heureux, les cruels et les conquérants contre les sacrifiés.

Que de jeunes filles ayant pris, à la suite d’un aban-