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NOS TRAVERS

— « Ils veulent » que leurs rejetons soient heureux. Mais sera-t-il tenu compte de ces souhaits ou de ces vœux dans la destinée de leurs descendants ? Les empêcheront-ils de rencontrer le sacrifice inséparable de la vocation humaine et seront-ils toujours là pour s’interposer entre eux et les épreuves afin de leur en amortir le coup ?

Hélas ! les pauvres gens vivront assez pour assister à la faillite de leur œuvre. En voyant ces enfants tant choyés, impuissants et malheureux devant l’impérieuse nécessité du devoir, ils reconnaîtront, mais un peu tard, qu’ils auraient dû leur tremper le caractère, les blinder dans leur jeunesse au lieu de les amollir comme l’a fait leur égoïste tendresse.

Car avec son apparence d’abnégation cette tendresse aveugle n’est qu’une recherche de sa propre satisfaction, qu’une lâcheté de ceux qui, connaissant la souffrance, craignent d’en voir atteints les êtres qu’ils aiment.

Et pourtant la salutaire, l’impérative souffrance est le meilleur entraînement au bonheur. Le dosage prudent que la nature, régie par la Providence, administre à la créature dès l’enfance, est l’inoculation préventive fortifiant l’organisme contre les chocs plus rudes à mesure que la vie avance.

On ne gagne rien à vouloir retarder l’opération. Chacun a son compte, quoiqu’il fasse.

Si la nature reconnaît des privilégiés, ce sont les individus qui, robustes de corps et d’esprit, ne cherchent pas à éluder sa loi, mais au contraire accomplissent bravement la corvée imposée par Dieu à l’homme pécheur.


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