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Page:Marchand - Nos travers, 1901.djvu/79

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LES ÉMANCIPÉES

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S’il m’est arrivé de m’étendre sur la rigueur des lois du monde en ce qui regarde la liberté de la femme, ce n’est pas que je prétendisse les changer, ni que je voulusse prêcher à leur endroit la révolte. Je sais trop bien que les révoltées du despotisme social sont bientôt et fort tristement classées.

Elles forment la catégorie de celles qui jouissent pour un temps, d’une vogue « intense ». Elles sont ces reines éphémères auxquelles tous les favoris, tous les princes charmants de leur génération ont fait un bout de cour, sans jamais songer à les épouser.

Leur beauté, des charmes réels ont, de concert avec la complaisance et l’incurie des parents aveugles, déterminé leur vocation d’émancipées.

Manquant d’une prudente direction et des conseils de l’expérience, elles subissent le sort que le monde égoïste et cruel fait à toutes ses idoles.

Qui les instruira, en effet, des revers qui suivent les triomphes faciles ? Qui avertira la pauvre petite, empressée de plonger ses lèvres roses dans la « coupe enchantée », que la mousse capiteuse cache une lie amère ? Qui donc l’empêchera de suivre, comme le Chaperon Rouge, de lamentable mémoire, la route joyeuse et fleurie qui s’offre à son exultante jeunesse, si ce n’est de sages et vigilants parents ?

Ceux-là au moins savent que le bonheur est un oiseau rare, une proie mystérieuse et délicate qu’on n’attrape pas en faisant la chasse aux papillons. Ils n’ignorent pas qu’un bon mari — puisqu’en cette vallée