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Page:Marchand - Nos travers, 1901.djvu/81

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LES ÉMANCIPÉES

Avec quiconque l’aborde, elle prend l’initiative d’une conversation légère, badine, moqueusement sentimentale, — c’est ce qu’elle appelle flirter — qui déconcerte les sentiments sérieux.

Le flirt entre dans son système. Elle ne s’en cache pas. « Cela m’amuse » avoue-t-elle avec une certaine candeur. À chaque saison, aux eaux, à la ville, aux endroits où elle passe, on lui voit nouer de ces relations éphémères, romans dont elle brûle les étapes et qui même, dans les cas de promenades trop courtes n’offrent pas plus de développement qu’une Table des Matières.

Pas un chapitre n’y manque cependant : Coup de foudre au commencement, adoration perpétuelle, entretiens éternels, promenades solitaires, tristesse au départ, promesse de s’écrire, larme peut-être, oh ! la larme y est, quelquefois.

Et elle recommence ailleurs le lendemain ; c’est sa manière d’affirmer son empire. À chaque conquête, à chaque genou additionnel qui ploie devant ses charmes, elle ressent la joie de l’Indien attachant à sa ceinture la chevelure d’un ennemi nouveau.

Mais cela ne peut pas toujours durer. Et que vaudront dans l’avenir toutes ces marguerites effeuillées, tous ces lauriers flétris ? Des regrets, des reproches, des remords peut-être.

Je propose à la méditation des amateurs d’un sport plus innocent qu’inoffensif, la fable dans laquelle le bon Lafontaine s’est occupé d’elles :


La cigale ayant chanté tout l’été… etc.


Le monde est dur dans son jugement des émancipées.

Avec la détestable logique qui est à son usage, il n’épargne aucune de ses séductions pour attirer dans le