Page:Marchand - Nos travers, 1901.djvu/83

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
87
LES ÉMANCIPÉES

vénient à s’établir avec un partenaire ayant la réputation d’un flirt consommé, derrière un rideau ; elle se sera, au souper, emparée de la conversation et n’aura pas craint peut-être de tenir tête à un groupe d’hommes s’amusant perfidement à la faire causer ; il arrivera même que d’espiègleries en extravagances elle ait fini par allumer la cigarette de quelqu’agréable fat qui aura eu l’audace de le lui demander.

Que sais-je encore tout ce que peut faire de folies analogues ou pires, une ingénue dont personne ne contient l’exubérante vivacité, que les sourires approbateurs et l’apparente admiration des hommes encouragent au contraire.

On a vu trop souvent le résultat d’un pareil entraînement car nos salons contiennent un certain nombre de ces émancipées au verbe haut, aux façons désinvoltes.

Pour ces victimes de notre anarchie sociale je ne puis ressentir que de la pitié et de la sympathie, car je réserve toute mon indignation pour les pères et les mères imprévoyants qui ne les ont pas suffisamment gardés.

Aux jeunes canadiennes de la génération actuelle on peut fort heureusement approprier cette peinture de la bourgeoisie de 1796 en France faite par un romancier de nos jours.

« La liberté dont jouissait les jeunes filles les exposait à des aventures et à des tentations, et leur cœur inexpérimenté sentait trop vivement pour se contenir toujours ; mais contre le danger qu’elles affrontaient sans crainte, elles étaient défendues par une honnête nature transmise de mère en fille depuis des siècles, ainsi qu’une noblesse qui se transmettrait par les femmes et devenue invincible comme une habitude, infaillible comme un instinct. »

Il ne serait pas raisonnable toutefois de se reposer uniquement sur cet atavisme bienheureux qui fait nos compatriotes honnêtes comme leurs mères le furent.

L’habitude de la vertu est un héritage qu’il faut cul-