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NOS TRAVERS

tiver ; une moralité instinctive ne résiste pas éternellement au nombre et à la violence des tentations.

Notre système tout entier est à refaire. Prétextant l’exiguïté des maisons dans les villes, on a pris l’habitude d’inviter pour les bals les jeunes filles sans leurs mères. Cette transgression exceptionnelle a suffi à établir le principe ; l’on voit maintenant des excursions en bateau ou en voiture, ainsi que des parties de campagne auxquelles la grande nature donne un caractère de liberté absolue, où une vingtaine de jeunesses sont placées sous la direction d’une ou deux chaperonnes bien peu imposantes parfois. C’est une mère intéressée et vigilante et non une étrangère sans autorité qu’il faut dans ce dernier cas, pour avertir son enfant que les circonstances lui imposent une conduite toute particulière et lui interdisent comme une inconvenance des plus graves de disparaître un seul instant, en compagnie d’un jeune homme, de la vue des autres.

Ce sont de ces précédents regrettables, de ces coutumes démoralisatrices que certains parents s’inspirent pour laisser leurs filles revenir la nuit au retour d’une soirée, escortées par des jeunes gens, ou aller en même compagnie à des théâtres dont on peut dire des merveilles mais qu’eux, en somme, ils ne connaissent pas.

C’est aussi une inconséquence impardonnable que de permettre à ses enfants d’aller sans une escorte sérieuse — une sœur mariée à défaut du père ou de la mère, un frère dévoué qui s’interdit toute distraction pour rester entièrement à la disposition de ses sœurs — recevoir l’hospitalité dans les cercles masculins, (militaires ou de sport), et à bord des frégates étrangères qui visitent nos ports.

Les cas sont rares où une femme peut accepter l’hospitalité masculine : quand elle le fait ce doit être avec une réserve et une prudence extrêmes, non pas que l’on doive trop mettre en suspicion la loyauté d’amphitryons de nos amis les hommes, mais parce que,