Page:Marchant de Beaumont - Manuel et itinéraire du curieux dans le cimetière du Père la Chaise.djvu/72

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le degré de la sensibilité de chaque personne se révèlent malgré lui-même, par sa contenance, par son regard, par ses discours, dans l’instant qu’il est présent à des obsèques, et la mesure du véritable mérite de chaque homme est facilement appréciée par les sentimens qu’il inspire à ceux qui raccompagnent quand ses restes disparaissent de la terre. Rien de plus varié que les scènes tristes dont ce lieu est sans cesse témoin ; toutes les vertus du cœur s’y déploient, tous les vices s’y aperçoivent. Un peuple brut s’y montre sans retenue ; il pleure amèrement celui qu’il regrette, il demeure froid vis-à-vis de celui qui vécut sans vertu et sans vice, ou bien qu’il connut de loin ; il est sévère pour celui dont il ne saurait estimer la vie. Ses sentimens toujours fortement prononcés expriment bien la conviction de son âme. L’observateur des mœurs ne s’étonne point de voir arriver dans la fosse commune le dissipateur, le joueur, le débauché, le fainéant ; durant toute leur vie ils se précipitèrent vers cet abîme ; mais il s’instruit de toutes les calamités humaines, en y voyant parvenir aussi l’homme de bien qui durant toute sa vie lutta sans succès contre le malheur ; le spéculateur indiscret qui croyant s’enrichir pour toujours se plongea lui-même dans la misère ; l’homme courant incessamment après le