Page:Marco Polo et al. - Deux voyages en Asie au XIIIe siècle, 1888.djvu/109

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de ce sang-là dont il me dit qu’ils teignaient cette écarlate ou pourpre si précieuse[1]. Ce même prêtre m’assurait aussi une chose, que je ne croyais pas toutefois volontiers, qu’au delà et bien plus avant que le Cathay, il y a une province où les hommes, en quelque âge qu’ils soient, demeurent jusqu’à ce qu’ils en sortent au même âge qu’ils avaient quand ils y entrèrent.

Le Cathay aboutit au grand Océan, et Guillaume Parisien me contait de certains peuples qui habitent dans les îles, et dont la mer d’alentour est gelée en hiver (si bien qu’alors les Tartares les peuvent aller envahir aisément par le mois des glaces), qu’ils avaient envoyé des ambassadeurs au Khan lui offrir deux mille tumen de jascots de tribut par an, pour les laisser vivre en paix[2].

La monnaie commune de Cathay est faite de papier de coton, grande comme la main, et sur laquelle ils impriment certaines lignes et marques faites comme le sceau du Khan[3]. Ils écrivent avec un pinceau fait comme celui des peintres, et dans une figure ils font plusieurs lettres et caractères, comprenant un mot chacun. Ceux du pays de Thébeth écrivent comme nous, de la gauche à la droite, et usent de caractères à peu près semblables aux nôtres. Ceux de Tanguth écrivent de la droite à la gauche, comme les Arabes, et en montant en haut multiplient leurs lignes. Les Jugures écrivent de haut en bas. Pour les Russiens, la monnaie qui a cours entre eux est de petites pièces de cuir, marquetées de couleurs.

Comme nous retournâmes vers le moine, il nous avertit charitablement que nous nous abstinssions de

  1. La plaisante explication que fournit ici un prêtre ou mandarin chinois est évidemment dictée par le sentiment instinctif de défiance et de répulsion que les étrangers inspiraient aux citoyens du grand empire asiatique.
  2. Le tument, dit un commentateur, vaut dix mille marcs d’argent ou quatre-vingt mille florins d’or de Venise. — Il s’agit ici des peuples vivant dans les régions que baigne le fleuve Amour, région d’où vinrent les Mandchous qui devaient détrôner les Mongols.
  3. Marco Polo, liv. II, chap. xxi, parle de ce papier-monnaie.