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manger de la chair ; et que nos serviteurs la mangeraient avec les siens, promettant de nous donner de la farine, de l’huile et du beurre. Nous fîmes ainsi qu’il voulut, de quoi mon compagnon n’était pas fort content, à cause qu’il était assez faible et débile ; notre pitance donc était du millet et du beurre, ou de la pâte cuite dans de l’eau, avec du beurre ou du lait un peu aigre et du pain sans levain, cuit sur du feu fait de fiente de chevaux et de bœufs.


XL


Du second jeûne des peuples d’Orient en carême.


La Quinquagésime, où commence le carême de tous les Orientaux, étant venue, la plus grande dame Cotota avec ses femmes jeûna cette semaine-là et venait chaque jour à notre oratoire, donnant à manger aux prêtres et à tous les autres chrétiens, dont plusieurs viennent là pour entendre l’office de cette semaine. Cette dame nous fit présent à mon compagnon et à moi, chacun d’un pourpoint et haut-de-chausses de samit, doublés de certaines étoffes de poil d’étoupe fort rude. Car mon compagnon s’était fort plaint de la pesanteur de ses habillements. Je ne voulus pas refuser ce présent, pour son soulagement, en m’excusant toujours néanmoins que je ne désirais pas porter de tels habits ; et je donnai ma part à notre interprète. Les portiers et huissiers de la cour voyant que tous les jours il venait une si grande multitude de personnes à l’église, qui était dans le pourpris et enclos de la cour, envoyèrent un des leurs vers le moine, lui dire qu’ils ne voulaient plus souffrir que tant de gens s’assemblassent ainsi dans cet enclos du palais ; à quoi le moine répondit assez rudement qu’il voulait savoir si c’était Mangu qui l’eût ainsi commandé, y ajoutant quelques menaces, comme s’il se voulait plaindre d’eux au Khan ; mais eux, irrités de cela, le prévinrent et l’allèrent accuser devant le prince, disant qu’il était trop fier et