Page:Marco Polo et al. - Deux voyages en Asie au XIIIe siècle, 1888.djvu/141

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retourné avec mon interprète, un serviteur seulement et notre guide, qui avait charge de nous donner tous les quatre jours un mouton pour le vivre ordinaire de nous quatre. Nous avons employé deux mois et six jours à aller de Caracorum jusqu’à Baatu, et durant tout ce temps-là nous n’avons trouvé ni ville, ni village, ni même aucun vestige de maisons ni d’habitations, mais seulement des sépultures et tombeaux, excepté un seul village fort mauvais, où nous ne pûmes même trouver du pain.

En tout ce chemin de deux mois et plus, nous n’eûmes qu’un seul jour de repos, et encore parce que ce jour-là nous ne pûmes trouver des chevaux ; nous avons repassé par la plupart des pays que nous avions déjà vus en venant, et par plusieurs autres encore. Nous y avions passé durant l’hiver, et nous y sommes repassés en été, suivant toujours les plus éloignées parties des pays septentrionaux, excepté qu’il nous a fallu aller quinze jours durant et côtoyant le rivage d’une rivière entre les montagnes, ne trouvant herbe ni fourrage que le long de ce fleuve. Nous demeurions quelquefois deux et trois jours sans avoir d’autre nourriture que du koumis ; une fois entre autres nous fûmes en grand danger de mourir de faim.

Quand nous eûmes marché environ vingt jours, nous eûmes nouvelles que le roi d’Arménie était passé pour aller au-devant de Sartach, que nous rencontrâmes sur la fin du mois d’août. Il alla trouver Mangu-Khan, avec une partie de sa cour, ses troupeaux, ses femmes et enfants, le reste avec ses grandes maisons étant demeuré entre les fleuves de Tanaïs et Étilia ou Volga. Je fis mon devoir envers lui, le saluant bien humblement et lui disant que j’eusse bien désiré demeurer en ces pays-là ; mais que Mangu-Khan avait voulu que je m’en retournasse et portasse ses lettres ; il ne me répondit autre chose sinon qu’il fallait contenter Mangu-Khan.

Nous arrivâmes à la cour de Baatu le même jour que l’année d’auparavant, à savoir le jour de l’Exaltation de la sainte Croix. Je trouvai nos gens en bonne