Page:Marco Polo et al. - Deux voyages en Asie au XIIIe siècle, 1888.djvu/142

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santé, grâce à Dieu, et néanmoins ils avaient été en de grandes nécessités et avaient souffert beaucoup, ainsi que j’appris de l’un d’eux ; et sans le roi d’Arménie qui en passant les avait soulagés et recommandés à Sartach, ils fussent tous morts misérablement ; d’autant qu’ils croyaient tous que je le fusse aussi, et déjà les Tartares leur avaient demandé s’ils savaient bien garder les troupeaux et traire les juments ; sans notre retour ils eussent été contraints de demeurer en cette dure servitude.

Baatu me fit commander de le venir trouver et me fit interpréter les lettres que Mangu envoie à Votre Majesté. Mangu lui avait écrit qu’il eût à y ajouter, ôter ou changer tout ce que bon lui semblerait ; alors il me dit : « Vous porterez ces lettres et les ferez interpréter à votre roi ; » puis il me demanda par quel chemin nous nous en irions, par mer ou par terre ; je lui répondis que la mer étant déjà fermée à cause de l’hiver, il me fallait aller par terre ; aussi que je croyais que Votre Majesté serait encore pour lors en Syrie[1] ; et si j’eusse su qu’elle fût déjà retournée en France, j’eusse passé par la Hongrie pour y être plus tôt, et par un chemin plus court et plus aisé que par la Syrie.

Ayant trouvé le provincial de mon ordre à Nicoscé, il m’a emmené avec lui à Antioche… De là je fus envoyé par lui pour résider au couvent d’Acre, et il n’a jamais voulu me permettre d’en partir, pour aller vous saluer ainsi que je le désirais ; mais il m’a commandé de vous écrire par le porteur des présentes ; à quoi je n’ai osé désobéir. J’ai tâché de vous rendre compte et

  1. Après ses insuccès en Terre Sainte, saint Louis resta plusieurs années en Syrie, non seulement pour racheter les chrétiens captifs, mais encore pour négocier avec les princes des pays orientaux, « notamment, dit le chroniqueur Matthieu Paris, avec Sartach, petit-fils de Gengis-Khan, qui protégeait les chrétiens dans l’Asie centrale et professait une grande haine pour les musulmans. Il ne se décida à partir que lorsqu’il apprit la mort de la reine Blanche, sa mère (1253). Après six ans d’absence, il arriva à Paris le 12 septembre 1254.