Page:Marco Polo et al. - Deux voyages en Asie au XIIIe siècle, 1888.djvu/166

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là on vient à la mer Océane, sur le bord de laquelle il y a une ville nommée Cormos[1], ayant un bon port, où abordent beaucoup de marchands, qui apportent des Indes toutes sortes de marchandises, comme des parfums, des perles, des pierres précieuses, des étoffes de soie et d’or et des dents d’éléphant. C’est une ville royale ayant sous sa dépendance d’autres villes et plusieurs châteaux. Le pays est chaud et malsain. Quand quelque étranger marchand ou autre meurt dans le pays, tous ses biens sont confisqués au profit du roi. Ils font du vin de dattes ou d’autres espèces de fruits, qui est fort bon ; cependant, quand on n’y est pas accoutumé, il donne le flux de ventre ; mais au contraire, quand on y est fait, il engraisse extraordinairement. Les habitants du pays ne se nourrissent point de pain ni de viande, mais de dattes, de poisson salé et d’oignon. Ils ont des vaisseaux, mais qui ne sont pas trop sûrs, n’étant joints qu’avec des chevilles de bois et de cordes faites d’écorces de certains bois des Indes. Ces écorces sont préparées à peu près comme le chanvre. On en fait des filasses, et de cette filasse des cordes très fortes, et qui peuvent résister à l’impétuosité des eaux et de la tempête ; elles ont cela de propre qu’elles ne pourrissent et ne se gâtent pas dans l’eau[2]. Ces vaisseaux n’ont qu’un mât, une voile, un timon, et ne se couvrent que d’une couverture. Ils ne sont point enduits de poix, mais de la laitance des poissons. Et lorsqu’ils font le voyage des Indes, menant des chevaux et plusieurs autres charges, ils prennent plusieurs vaisseaux.

  1. Hormuz, à l’entrée du golfe Persique.
  2. Un passage de Chardin, qui écrivait au dix-septième siècle, confirme et explique ces assertions de Marco Polo. Les bateaux dont ils se servent dans le golfe Persique, et qu’ils nomment chambouc, sont hauts, longs, étroits. Ils sont faits de cet arbre qui porte les noix de coco et duquel on dit dans le pays que l’on peut en faire et en charger un navire tout ensemble : le corps du vaisseau étant fait du corps de l’arbre, les voiles et les cordages avec son écorce, et le fruit de l’arbre fournissant le chargement du vaisseau. Ce qui est remarquable, c’est que les planches des barques sont cousues avec ces sortes de cordes et enduites de chaux à défaut de pois, ce qui fait que ces bâtiments ne résistent guère à la mer.