Page:Marco Polo et al. - Deux voyages en Asie au XIIIe siècle, 1888.djvu/167

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Car la mer est orageuse, et les vaisseaux ne sont point garnis de fer. Les habitants de ce pays-là sont noirs et mahométans ; en été, lorsque les chaleurs sont insupportables, ils ne demeurent point dans les villes, mais ils ont hors des murs des lieux de verdure entourée d’eau, où ils se retirent à la fraîcheur, contre les ardeurs du soleil. Il arrive aussi assez souvent qu’il règne un vent fort et brûlant, qui vient d’un certain désert sablonneux[1] ; alors, s’ils ne se sauvaient d’un autre côté, ils en seraient suffoqués, mais d’abord qu’ils commencent à en sentir les approches, ils se sauvent où il y a des eaux et se baignent dedans ; et de cette manière ils évitent les ardeurs funestes de ce vent. Il arrive aussi dans ce pays-là qu’ils ne sèment les terres qu’au mois de novembre, et ne recueillent qu’au commencement de mars, qui est le temps aussi où les fruits sont en état d’être serrés. Car dès que le mois de mars est passé, les feuilles des arbres et les herbes sont desséchées par la trop grande ardeur du soleil, en sorte que durant l’été l’on ne trouve pas un brin de verdure, si ce n’est le long des eaux. C’est la coutume du pays, quand quelque chef de la famille est mort, que la veuve le pleure pendant quatre ans, tous les jours une fois. Les pères et les voisins viennent aussi à la maison, jetant de grands cris, pour marquer la douleur qu’ils ont de sa mort.

XXIV
Du pays qui est entre les villes de Cormos et de Kerman.


Pour parler aussi des autres pays, il faut laisser les Indes et retourner à Kerman, pour parler ensuite avec ordre des terres que j’ai vues et parcourues. En allant donc au nord de la ville de Cormos, vers Kerman, on

  1. Ce vent, qui vient du désert du Béloutchistan, est appelé en persan le vent pestiféré. Le pays, d’ailleurs fort dénudé, qui avoisine cette partie du golfe Persique est en quelque sorte inhabitable pendant les rigueurs torrides de l’été.