Page:Marco Polo et al. - Deux voyages en Asie au XIIIe siècle, 1888.djvu/203

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jour-là, à moins qu’il ne soit de la maison royale, excepté un certain peuple de ces cantons-là, nommé Horiach, qui a aussi ce privilège, à cause d’une grande victoire qu’il remporta pour le service du grand khan Chinchis. Cette coutume est observée des Tartares depuis un temps immémorial, le 28e jour d’août ; et de là vient aussi que les chevaux blancs et les cavales blanches sont en grande vénération parmi le peuple. On mange aussi dans cette province de la chair humaine, prise sur ceux qui ont été exécutés à mort pour leurs crimes : car pour ceux qui meurent de maladie on ne les mange point. Le Grand Khan a des magiciens, qui, par leur art diabolique, obscurcissent l’air et y excitent des tempêtes, ne laissant la clarté de la lumière que sur le palais royal. Ces magiciens par le même art font, lorsque le roi est à table, que les vases d’or où il boit se transportent d’eux-mêmes sur la table où il est, d’une autre table qui est au milieu d’une cour et qui sert de buffet ; et ils disent qu’ils font tout cela par une vertu secrète. Et cela peut être vu des milliers de personnes présentes. N’y a-t-il pas d’ailleurs en nos pays ces savants nécromanciens qui vous diront que ces choses sont très faisables[1] ? Quand ils célèbrent les fêtes de leurs idoles, le roi leur donne des béliers, qu’ils offrent à leurs dieux, brûlant plusieurs bois d’aloès et d’encens en sacrifice de bonne odeur. Après quoi ils font cuire la chair du bélier, et la présentent à manger à leurs idoles avec des cris de réjouissance ; et en répandent le jus par terre de-

  1. M. Pauthier, s’appuyant sur cette dernière phrase, d’ailleurs caractéristique, se livre à de longues considérations sur les singulières assertions du voyageur. « Nous rirons, dit-il, de ces peuples qui s’en laissent imposer par de prétendus magiciens, comme si chez nous, alors que nous nous croyons doués d’une grande sagesse philosophique, l’on ne croyait pas à l’action occulte des esprits frappeurs, aux tables tournantes et autres effets merveilleux. Cela est soutenu dans des salons du grand monde, où l’on fait se produire toutes sortes de phénomènes surnaturels, par une vertu secrète aussi, du moins en apparence, et des milliers de personnes qui en ont été témoins attestent aussi des faits lesquels ne sont pas pour cela plus réels.