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la ville de Quinsai. La reine se comporta avec un courage au-dessus de son sexe et n’oublia rien de tout ce qu’elle crut nécessaire pour la défense de la ville ; et ayant entendu que le général de l’armée tartare s’appelait Baian-Chinsan ou Cent-Yeux, elle en fut fort étonnée, et son courage commença à se ralentir, surtout ayant été informée par ses astrologues et les magiciens que la ville de Quinsai ne serait jamais prise que par un homme à cent yeux. Et parce qu’il semblait contre nature qu’un homme pût avoir cent yeux, et que le nom de ce général devait signifier le pronostic, elle le manda et lui remit volontairement la ville et le royaume, ne voulant pas davantage résister aux destins. Ce que les habitants de la ville et du royaume ayant appris, ils se soumirent aussitôt au Grand Khan, excepté une seule ville, nommée Sanisu, laquelle ne put être soumise en trois ans. La reine alla se rendre à la cour du Grand Khan, qui la reçut avec beaucoup d’honneur. Le roi son mari demeura dans ses îles, où il acheva le reste de sa vie.

LV
De la ville de Conigangui.


La première ville qui se présente à ceux qui vont dans la province de Mangi s’appelle Conigangui. Elle est grande et considérable par ses richesses ; elle est bâtie sur le fleuve de Caromoran ; il y a là des vaisseaux en quantité ; on fait aussi là beaucoup de sel, en sorte que quarante villes en reçoivent leur provision, de quoi le Grand Khan tire un grand profit. Les habitants de cette ville et des lieux circonvoisins sont idolâtres, et brûlent les corps morts.