Page:Marco Polo et al. - Deux voyages en Asie au XIIIe siècle, 1888.djvu/278

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quantité d’éléphants et de licornes[1], et ces animaux sont un peu plus petits que les éléphants, ayant le poil d’un buffle et le pied comme un éléphant ; ils ont la tête faite comme un éléphant, et ils cherchent aussi bien que les cochons la boue et l’ordure ; ils portent une grosse corne noire au milieu du front ; ils ont la langue rude et ils en blessent souvent les hommes et les animaux. Ce pays abonde aussi en singes de diverses espèces, de grands et de petits, qui sont très semblables aux hommes. Les chasseurs les prennent et les épilent, excepté à l’endroit de la barbe et de certaines autres parties du corps ; et après les avoir tués, ils les assaisonnent de plusieurs herbes odoriférantes ; après cela ils les font sécher, et ils les vendent aux négociants, qui les portent en divers endroits de la terre et font accroire que ce sont de petits hommes que l’on trouve dans les îles de la mer.

XVI
Du royaume de Samara.


J’ai été, moi Marco, dans le royaume de Samara avec mes compagnons pendant cinq mois ; mais ce ne fut pas sans beaucoup d’ennui : car nous attendions là que le temps fût propre à naviguer. Les habitants y vivent comme des bêtes, mangeant la chair humaine d’un grand appétit. C’est pourquoi, méprisant leur compagnie, nous nous bâtîmes de petites baraques de bois tout près de la mer, où nous nous tenions sur la défensive contre les insultes de cette canaille. On ne voit dans ce royaume-là ni la Grande ni la Petite Ourse (constellations polaires boréales), comme les astronomes les appellent, tant cette île est éloignée du septentrion. Les habitants sont idolâtres ; ils ont là de fort bons poissons, et en abondance ; mais il n’y croît point

  1. Sous le nom de licorne ou unicorne, qu’on donne souvent à un animal fabuleux, Marco Polo désigne évidemment le rhinocéros.