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est assis dans le traîneau avec le marchand, ils traînent ce petit engin au travers de l’eau et de la boue, sans aucune résistance. Et comme ils ne pourraient supporter ce travail plus d’un jour, à la fin de la journée on les détache et on en reprend d’autres, y ayant dans ce pays-là beaucoup de villages qui nourrissent de ces chiens exprès pour cet usage, et de cette manière un marchand peut aller jusqu’au fond de ces pays-là. Ces traîneaux ne sauraient porter de lourds fardeaux, les chiens ne pouvant pas traîner plus que le marchand, le voiturier et un paquet de peaux. Le marchand est donc obligé de changer de pareille voiture tous les jours, jusqu’à ce qu’il soit arrivé dans les montagnes où l’on vend de ces pelisses.

XLIX
Du pays des Ténèbres.


Il y a encore un autre pays bien plus avant dans le septentrion que ceux dont nous venons de parler, car c’est tout à fait à l’extrémité. On appelle ce pays-là Ténébreux, parce que le soleil n’y paraît pas pendant une grande partie de l’année[1], de sorte que les ténèbres n’y règnent pas seulement pendant la nuit, mais aussi pendant le jour. Il ne paraît qu’un faible crépuscule fort obscur ; les hommes de ce pays-là sont beaux, grands, de bonne corpulence, mais pâles de couleur. Ils n’ont ni roi ni prince, vivent en bêtes et font tout ce qui leur plaît, sans s’embarrasser de civilité ni d’humanité. Les Tartares, qui sont voisins de cette nation, font souvent des courses dans ce pays Ténébreux, leur enlèvent leurs bêtes et tout ce qu’ils rencontrent, et leur causent bien d’autres dommages. Et comme ces brigands sont en fort grands dangers dans leur irruption, à cause de la nuit, qui tombe incon-

  1. On sait que les régions boréales ont chaque année en hiver une nuit de plusieurs mois et en été un jour de même durée.