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Page:Marco Polo et al. - Deux voyages en Asie au XIIIe siècle, 1888.djvu/68

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n’avions rien de quoi donner au maître du logis, il s’en acquittait fort mal. Nous suivîmes Baatu avec nos chariots le long de l’Étilia cinq semaines durant ; quelquefois mon compagnon était si pressé de la faim, qu’il me disait, en pleurant, qu’il pensait ne trouver jamais de quoi manger. Le marché suit toujours la cour de Baatu ; mais il était si loin de nous, que nous ne pouvions y aller ; car nous étions contraints d’aller à pied, faute de chevaux. Alors nous rencontrâmes certains Hongrois[1] qui avaient été clercs, et dont l’un d’eux savait encore beaucoup de chants d’Église par cœur. Les autres Hongrois le prenaient pour un prêtre et le faisaient venir au service de leurs morts. Un autre était assez bien instruit en la grammaire et entendait tout ce que nous disions en latin, mais il ne savait pas bien répondre. Ces bonnes gens nous furent d’une grande consolation, nous donnant du koumis à boire, et quelquefois de la chair à manger. Ils nous demandèrent quelques livres, mais nous n’en avions point à donner, car il ne nous était resté que notre Bible et notre bréviaire ; de sorte que je fus fort contristé de ne pouvoir satisfaire à leur désir ; je leur dis que, s’ils me voulaient donner du papier, je leur écrirais beaucoup de choses tant que nous serions là ; ce qu’ils firent, et je leur écrivis tout l’office de la Vierge et celui des Morts. Certain jour un Coman se joignit à nous, qui nous salua en paroles latines. Je lui rendis son salut, m’étonnant fort de cette rencontre, et lui demandai de qui il avait appris cette langue ; il me répondit qu’il avait été baptisé en Hongrie par un de nos frères, qui lui avait appris le latin. Il nous dit aussi que Baatu s’était fort enquis de lui qui nous étions, et qu’il lui avait conté au long tout ce qui regardait notre ordre et nos statuts.

Un jour je vis Baatu et tous ses gens à cheval, et tous les seigneurs et principaux aussi à cheval avec lui ; ils n’étaient pas en tout plus de cinq cents che-

  1. Du pays d’où sont venus les Huns — Voy. au chapitre suivant.